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villages, toutes les habitations, sont situés sur le haut des collines, où une suite de rochers calcaires rend d’ailleurs le sol infertile. C’est là que les femmes demeurent toute l’année, occupées à filer et lisser, tandis que les hommes, à l’époque des travaux champêtres, ne passent chez eux que le samedi et le dimanche. Les autres jours, ils demeurent en bas, et se retirent la nuit dans des huttes de roseaux. Notre désir était donc comblé jusqu’à satiété ; nous aurions voulu avoir le char ailé de Triptolème pour échapper à cette uniformité.

Nous avons chevauché par un ardent soleil à travers ces déserts fertiles, et nous nous sommes félicités d’arriver enfin à Caltanisetta, ville bien située et bien bâtie, mais où nous avons de nouveau cherché inutilement une auberge tolérable. Nos mulets sont logés dans des écuries superbement voûtées ; les valets dorment sur le trèfle qui est destiné aux bêtes : quant à l’étranger, il doit se pourvoir de tout lui-même.

Une chambre se trouve à notre disposition : il faut d’abord la faire nettoyer. Il n’y a point de chaises, point de bancs ; on s’assied sur des chevalets de bois dur. Point de table non plus. Si l’on veut faire de ces chevalets la base d’un lit, on va chez le menuisier et on loue autant de planches qu’il est nécessaire. Le grand sac de cuir que nous a prêté Hackert nous vient très à propos cette fois, et nous commençons par le remplir de paille hachée. Avant tout, il a fallu pourvoir à notre nourriture, nous avions acheté une poule en chemin. Le voiturin était allé acheter du riz, du sel et des épices : mais, comme cet endroit était tout nouveau pour lui, on fut longtemps sans savoir où la poule serait cuite : à l’auberge même, on ne trouvait pas les facilités nécessaires. Enfin un bon vieux bourgeois se prêta à fournir pour un prix raisonnable le foyer et le bois, les ustensiles de cuisine et de table, et, en attendant que le dîner fût prêt, il nous promena dans la ville, puis enfin sur la place, autour de laquelle les plus notables habitants étaient assis à la manière antique, et s’entretenaient et voulurent s’entretenir avec nous. Nous avons dû leur parler de Frédéric II, et l’intérêt qu’ils prenaient à ce grand roi était si vif que nous luur avons caché sa mort, pour ne pas encourir par cette mauvaise nouvelle la haine de nos hôtes.