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positaire, je les prie de me les envoyer avant la Saint-Michel, et de prendre leur part de la reconnaissance et de la joie d’une bonne famille, du sein de laquelle est sorti un des plus étranges prodiges qui aient paru dans notre siècle. Je ne manquerai pas de publier la suite de cette histoire et l’état dans lequel mon prochain envoi aura trouvé cette famille. Peut-être ajouterai-je alors quelques observations que cette occasion m’a suggérées, mais que je m’abstiens de présenter actuellement, pour ne pas devancer le jugement de mes lecteurs.

Alcamo, mercredi 17 avril 1787.

Nous sommes partis de Palerme à cheval de bon matin. Kniep et le voiturin avaient fait nos paquets avec une merveilleuse diligence. Nous montions lentement la route magnifique qui nous était déjà connue par notre visite à Saint-Martin, et nous admirions sur nouveaux frais une des fontaines ornementales qui bordent le chemin, quand nous eûmes un avant-goût des habitudes tempérantes de ce pays. Notre palefrenier portait, suspendu à une courroie, comme font nos vivandières, un petit tonnelet, qui semblait contenir assez de vin pour quelques jours. Nous fûmes donc fort surpris de le voir courir à une des nombreuses fontaines, ôter le bouchon, et faire entrer l’eau. Nous lui demandâmes, avec une surprise tout allemande, ce qu’il prétendait faire, et si le tonnelet n’était pas plein de vin. Il répondit fort tranquillement qu’il avait laissé un tiers de vide ; et, comme personne ne buvait de vin qui ne fût trempé, le mieux était de tremper d’abord le tout : comme cela les liquides s’unissaient mieux, d’ailleurs on n’était pas sûr de trouver partout de l’eau. En attendant, le tonnelet était plein, et il fallut nous accommoder de cet usage nuptial du vieil Orient.

Arrivés sur les hauteurs derrière Montréal, nous vîmes des contrées merveilleusement belles, mais dans le style de l’histoire plutôt que de l’économie rurale. A main droite, la vue s’étendait jusqu’à la mer, qui traçait sa ligne droite horizontale entre des caps admirables, par-dessus des côtes boisées ou nues, et formait, par son calme profond un contraste magnifique avec les sauvages rochers calcaires. Kniep a cédé au plaisir d’en dessiner plusieurs en petit format. Nous voici maintenant