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cette nation a coutume de répandre sur ses discours un charme étonnant.

Je ne quittai pas cette famille sans émotion. Ils me tendirent tous la main. Les enfants m’accompagnèrent dehors, et, tandis que je descendais l’escalier, ils s’élancèrent au balcon de la fenêtre, qui donnait de la cuisine sur la rue, me rappelèrent, me saluèrent du geste et me répétèrent qu’il ne fallait pas oublier de revenir. Je les vis encore au balcon quand je tournai l’angle de la rue.

L’intérêt que m’inspira cette famille éveilla chez moi, je n’ai pas besoin de le dire, le vif désir de lui être utile et de subvenir à ses besoins. Par moi, elle se trouvait de nouveau trompée, et ses espérances d’un secours attendu allaient être déçues une seconde fois, grâce à la curiosité de passage d’un voyageur du Nord. Mon premier dessein avait été de lui remettre avant mon départ les quatorze onces d’or que leur devait le fugitif, et de déguiser mon cadeau en leur faisant supposer que j’espérais être remboursé par lui de cette somme ; mais, quand je fis mon compte à la jnaison, que j’eus visité ma caisse et mes papiers, je vis bien que, dans un pays où le manque de communications augmente en quelque sorte les distances à l’infini, je me mettrais moi-même dans l’embarras, si je prétendais réparer l’injustice d’un méchant homme par une généreuse bienveillance.

Rapportons ici sans tarder la fin de cette aventure. Je partis de Palerme sans retourner chez ces bonnes gens, et, malgré les grandes distractions de mon voyage en Sicile et en Italie, cette simple impression ne s’effaça pas de mon cœur.

Je revins dans ma patrie, et, quand je retrouvai enfin celte lettre parmi d’autres papiers, expédiés de Naples par mer, j’eus l’occasion d’en parler comme d’autres aventures. Voici la traduction de la lettre, où je laisse avec intention transparaître le caractère particulier de l’original :

Très-cher fils !

Le 16 avril 1787, j’ai eu des nouvelles de toi par M. Wilton, et je no puis t’exprimer combien j’en ai reçu de consolation, car, depuis que tu étais sorti de France, je n’avais rien pu savoir de toi. Cher fils, je te prie