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les jours divins de la fête de Rosalie, qui devaient, à leur avis, être sans pareils dans le monde entier. Mon compagnon, qui depuis longtemps désirait s’éloigner, interrompit enfin la conversation par ses gestes, et je promis de revenir le lendemain vers le soir chercher la lettre. Mon introducteur était charmé que tout eût si bien réussi, et nous nous séparâmes satisfaits les uns des autres.

On peut juger quelle impression avait faite sur moi cette famille pauvre, honnête et pieuse. Ma curiosité était satisfaite, mais la bonne et naturelle conduite de ces femmes avait excité en moi une sympathie qui s’augmente encore par la réflexion. Toutefois j’entrai aussitôt en souci pour le lendemain. Il était naturel que cette apparition, qui les avait surprises au premier moment, éveillât chez elles après mon départ plus d’une réflexion. L’arbre généalogique m’avait appris que plusieurs membres de la famille vivaient encore ; il était naturel que ces femmes assemblassent leurs amis, pour se faire répéter en leur présence ce qu’elles avaient entendu de moi la veille avec étonnement. J’avais atteint mon but, et il ne me restait plus qu’à terminer convenablement cette aventure. Je retournai donc seul chez elles le lendemain tout de suite après dîner1. Elles furent surprises de me voir arriver. La lettre n’était pas prête encore, me dirent-elles, et quelques-uns de leurs parents désiraient aussi faire ma connaissance ; ils se trouveraient ce soir chez elles. Je répondis que je devais partir le lendemain de bonne heure ; que j’avais encore des visites à rendre, mes paquets à faire, et que j’avais préféré venir avant l’heure plutôt que de ne pas venir du tout.

A ce moment, parut le fils, que je n’avais pas vu la veille. Il ressemblait à sa sœur pour la taille et la figure. Il apportait la lettre dont on voulait me charger, et qu’il avait fait écrire, selon l’usage du pays, hors de la maison par un écrivain public. Le jeune homme avait l’air triste, silencieux et modeste. Il me questionna sur son oncle, sur sa richesse et sa dépense, et il ajouta tristement : « Pourquoi a-t-il donc oublié totalement sa famille ? Ce serait notre plus grand bonheur de le voir revenir


1. Le dîner, au milieu du jour.