Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée


La grand’mère m’ayant adressé quelques nouvelles questions, tandis que j’étais occupé à lui répondre, sa fille s’entretint à demi-voix avec mon compagnon, mais de telle sorte que je pus en prendre occasion de demander de quoi il s’agissait. Mme Capitummino lui contait, me dit-il, que son frère lui devait encore quatorze onces d’or ; à son prompt départ de Palerme, elle avait retiré des effets engagés pour lui ; mais depuis lors elle n’avait eu de lui aucune nouvelle, n’en avait reçu ni argent ni aucun secours, quoiqu’il possédât, disait-on, de grandes richesses, et qu’il fit une dépense de prince. Ne voudrais-je point prendre sur moi, après mon retour, de lui rappeler doucement sa dette, et faire obtenir à la sœur quelque secours ; ne voudrais-je point me charger d’une lettre ou du moins la lui faire parvenir ? Elle me demanda où je logeais, où elle devcait m’envoyer la lettre. J’évitai de dire ma demeure, et j’offris de revenir chercher moi-même la lettre le lendemain vers le soir. Là-dessus, elle m’exposa sa position diflicile : elle était restée veuve, avec trois enfants ; de ses deux filles, l’une était élevée au couvent, l’autre vivait avec elle, ainsi que son fils, qui était dans ce moment à l’école. Outre ces trois enfants, elle avait auprès d’elle sa mère, à l’entretien de laquelle elle devait subvenir. De plus, elle avait retiré chez elle, par charité chrétienne, cette pauvre malade, qui augmentait encore ses charges. Toute son activité suffisait à peine à procurer à elle-même et aux siens les choses les plus nécessaires. Elle savait que Dieu ne laisse pas ces bonnes œuvres sans récompense, cependant elle soupirait sous le fardeau qu’elle portait depuis longtemps.

Les jeunes gens se mêlèrent aussi à la conversation, qui devint plus vive. Tandis que je m’entretenais avec les autres, j’entendis que la grand’mère demandait à sa fille si j’étais donc aussi de leur sainte religion, et je pus remarquer que la fille cherchait prudemment à esquiver la réponse, faisant entendre à sa mère, autant que je pus le deviner, que l’étranger paraissait bien disposé pour elles, et qu’il ne convenait pas de questionner d’abord quelqu’un sur ce point. Lorsqu’elles apprirent que je me proposais de quitter bientôt Palerme, elles devinrent plus pressantes et me prièrent de revenir ; elles me vantèrent surtout