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tâmes un misérable escalier et nous entrâmes d’abord dans la cuisine. Une femme de taille moyenne, forte sans être grasse, était occupée à laver la vaisselle. Elle était proprement vêtue, et, quand elle nous vit paraître, elle releva un bout de son tablier pour nous cacher le côté sale. Elle regarda d’un air joyeux mon guide et lui dit : « Eh bien, monsieur Giovanni, nous apportez-vous de bonnes nouvelles ? Avez-vous fait quelque chose ? » II répondit : « Je n’ai pas encore réussi dans notre affaire, mais voici un étranger qui vous apporte les salutations de votre frère et qui peut vous conter comment il se trouve à présent. » Les salutations que je devais apporter n’étaient pas tout à fait dans notre convention, mais c’était chose faite, j’étais introduit. « Vous connaissez mon frère ? me dit-elle. — Toute l’Europe le connaît, répliquai-je, et je crois qu’il vous sera agréable d’apprendre qu’il est en sûreté et se trouve bien, car jusqu’à présent vous avez été sans doute inquiète de son sort ? — Entrez, me dit-elle, je vous suis à l’instant. » J’entrai dans la chambre avec le secrétaire. Elle était haute et grande et aurait passé chez nous pour une salle. Mais elle semblait être tout l’appartement de la famille. Une seule fenêtre éclairait les grandes murailles, qui avaient été peintes autrefois ; de noires images de saints y étaient suspendues dans des cadres d’or. Deux grands lits sans rideaux étaient appuyés contre un des murs ; une petite armoire brune,qui avait la forme d’un secrétaire, était contre l’autre. De vieilles chaises en jonc tressé, dont les dossiers furent dorés autrefois, étaient rangées auprès ; et les briques du carrelage étaient fort usées en beaucoup d’endroits. Au reste, la propreté régnait partout. Nous nous approchâmes de la famille, qui était à l’autre bout de la chambre, auprès de l’unique fenêtre.

Pendant que mon guide expliquait à la vieille Balsamo, qui était assise dans le coin, le motif de notre visite, et répétait plusieurs fois ses paroles à haute voix, à cause de la surdité de la bonne femme, j’eus le temps d’observer la chambre et les autres personnes. Une jeune fille d’environ seize ans, bien faite, mais dont les traits avaient été altérés par la petite vérole, était auprès de la fenêtre ; à côté d’elle, un jeune homme, dont la figure désagréable, aussi gâtée par la petite vérole, me fit éga-