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Quand je vis dans l’arbre généalogique tant de personnes, et particulièrement la mère et la sœur, données comme encore vivantes, je montrai à l’auteur du mémoire mon désir de les voir et de connaître les parents d’un homme si singulier. Il répondit que la chose serait difficile, parce que ces personnes, pauvres mais honorables, vivaient très-retirées, n’étaient accoutumées à voir aucun étranger, et que le caractère soupçonneux de la nation leur ferait tirer de cette apparition mille conjectures. Cependant il m’enverrait son secrétaire, qui avait accès dans la famille, et par l’entremise duquel il avait eu les renseignements et les pièces qui lui avaient servi’à établir l’arbre généalogique. Le secrétaire parut le lendemain et témoigna quelques scrupules. « J’ai évité jusqu’à présent, me dit-il, de reparaître aux yeux de ces gens, parce que, pour avoir en mes mains leurs contrats de mariage, leurs extraits baptistaires et d’autres papiers et pouvoir en faire des cophs légalisées, j’ai dû me servir d’une ruse particulière. J’ai parlé d’une bourse de famille, qui était vacanle quelque part, et je leur ai présenté comme vraisemblable que le jeune Capitummino était qualifié pour l’obtenir ; qu’il fallait avant tout dresser un arbre généalogique, pour voir à quel point le jeune homme y pouvait prétendre. Il faudrait ensuite en venir à des négociations, et j’offris de m’en charger, si l’on me promettait pour ma peine une part équitable de la somme à recevoir. Ces bonnes gens consentirent à tout avec joie, je reçus les papiers nécessaires, des copies en furent prises, l’arbre fut établi, et depuis lors j’évite de paraître devant eux. Il y a quelques semaines, je fus encore arrêté par la vieille Capitummino, et je ne sus que m’excuser sur la lenteur avec laquelle ces sortes d’affaires avancent chez nous. » Ainsi parla le secrétaire ; mais, comme je ne renonçais pas à mon projet, nous convînmes, après quelques réflexions, que je me donnerais pour un Anglais, chargé d’apporter à la famille des nouvelles de Cagliostro, qui venait de passer à Londres après être sorti de la Bastille.

A l’heure fixée, vers trois heures après midi, nous nous sommes mis en chemin. La maison était à l’angle d’une petite rue nommée il Cassaro et peu éloignée de la grande. Nous mon-