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d’une place à l’autre, et avait ainsi dessiné sur le pavé des méandres propres et nels. Maintenant, des centaines de personnes, armées de pelles, de balais et de fourches, étaient occupées à élargir ces places nettes, à les relier ensemble, en amoncelant à droite et à gauche les ordures qui restaient encore. Il en résulta que la procession, quand elle commença, trouva réellement un chemin propre, qui serpentait à travers le bourbier, et que le clergé, avec ses longs vêtements, la noblesse, élégamment chaussée, ayant le vice-roi à sa tête, purent passer sans obstacle et sans souillure. Il me semblait voir les enfants d’Israël, à qui la main de l’ange ouvrait un passage à pied sec à travers les marécages ; et j’ennoblis pour moi par cette comparaison l’aspect insupportable de tout ce monde élégant et dévot, qui récitait ses prières et se pavanait en parcourant une avenue de fange amoncelée. On pouvait, comme auparavant, cheminer sur les trottoirs sans se salir ; mais, dans l’intérieur de la ville, où nous attirait justement aujourd’hui le projet de voir des choses négligées jusqu’à présent, il était presque impossible de se frayer un passage, quoiqu’on n’eût pas non plus négligé dans ces rues de balayer et d’amonceler.

Cette solennité a été pour nous une occasion de visiter la cathédrale et d’en observer les curiosités ; et, comme nous étions sur pied, nous avons vu encore d’autres édifices. Une maison mauresque, bien conservée jusqu’à ce jour, nous a vivement intéressés. Elle n’est pas grande, mais les salles en sont belles, spacieuses, bien proportionnées, et forment un heureux ensemble. Cette maison ne serait guère habitable dans nos climats du Nord ; mais, dans le Midi, c’est une demeure très-agréable. Les architectes pourront nous en donner le plan et l’élévation. Nous avons vu aussi, dans un triste local, différents débris de statues antiques. Nous n’avons pas eu la patience de les déchiffrer.

Palerme, lundi 16 avril 1787.

Comme nous devons nous dire qu’il faut absolument partir bientôt de ce paradis, j’espérais trouver encore aujourd’hui dans le jardin public une vive jouissance à lire mon pensum dans l’Odyssée, à méditer encore le plan de Nausicaa, en me promenant dans la vallée au pied du mont de Rosalie, enfin à