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recevoir en échange un pourboire, puis pour m’inviter à dîner, ce qui devait augmenter un peu ma largesse.

Après avoir passé la matinée à visiter les différentes églises, à observer les figures et les tournures, je me suis rendu au palais du vice-roi, à l’extrémité supérieure de la ville. Comme j’étais arrivé un peu trop tôt, j’ai trouvé les grandes salles encore vides. Je vis seulement venir à moi un joyeux petit homme, que je reconnus aussitôt pour un Maltais. Quand il sut que j’étais Allemand, il me demanda si je pouvais lui donner des nouvelles d’Erfourt. Il y avait fait un séjour très-agréable. À ses questions sur la famille Dacheroede, sur le coadjuteur de Dalberg, je pus répondre de manière à le satisfaire. Il en fut très-joyeux et me demanda des informations sur le reste de la Thuringe. Puis, avec une respectueuse sympathie, il me questionna sur Weimar. « Comment se porte, me dit-il, l’homme alors jeune et vif, qui y faisait la pluie et le beau temps ? J’ai oublié son nom : mais bref ! c’est l’auteur de Werther que je veux dire. » Après avoir fait une petite pause, comme pour rappeler mes souvenirs, je lui répondis : « La personne de qui vous demandez des nouvelles, c’est moi-même. » Il recula, en donnant les marques les plus visibles d’étonnement, et s’écria : « Alors il doit avoir bien changé ! — Oh ! oui, lui répondis-je, de Weimar à Palerme il s’est fait en moi bien du changement. »

À ce moment, le vice-roi entra avec sa suite, et se comporta avec une décente familiarité, comme il convient à un homme de ce rang. Cependant il ne put s’empêcher de sourire, quand le Maltais exprima de nouveau son étonnement de me voir là. Pendant le dîner, le vice-roi, qui me fit asseoir à côté de lui, m’entretint sur le but de mon voyage, et m’assura qu’il donnerait des ordres pour qu’on me fît tout voir à Palerme, et pour faciliter mon voyage à travers la Sicile.

Palerme, lundi 9 avril 1787.

Les folies du prince Pallagonia nous ont occupés tout le jour. Et ces folies se sont trouvées tout autres que les récits et la lecture ne nous les avaient représentées. Car, avec le plus grand amour de la vérité, celui qui doit rendre compte de l’absurde est toujours embarrassé. Il veut en donner une idée, et par là il