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ouest du golfe de Palerme. Sa belle forme est au-dessus de toute description. On en trouve une image imparfaite dans le Voyage pittoresque de la Sicile[1]. C’est un calcaire gris de la première époque. Les rochers sont entièrement nus ; ils ne portent aucun arbre, aucun buisson ; les endroits plats sont à peine couverts d’un peu de mousse et de gazon. Au commencement du siècle passé, on découvrit les os de la sainte dans une caverne de cette montagne, et on les apporta à Palerme. Sa présence délivra la ville de la peste, et dès ce moment Rosalie fut la patronne du peuple ; on lui bâtit des chapelles, et on ordonna des fêtes splendides en son honneur. Les dévots montaient avec ardeur en pèlerinage à la montagne, et l’on construisit à grands frais un chemin, qui repose comme un aqueduc sur des arches et des piliers, et s’élève en zigzag entre deux rochers.

Le lieu consacré est mieux assorti avec l’humilité de la sainte qui y chercha un refuge, que les fêtes somptueuses célébrées en l’honneur de son complet renoncement au monde. Et peut-être la chrétienté tout entière, qui, depuis dix-huit siècles, fonde son empire, sa pompe, ses divertissements solennels, sur la misère de ses premiers fondateurs et de ses plus ardents confesseurs, ne saurait-elle montrer aucun lieu saint qui soit décoré et honoré d’une manière plus ingénue et plus touchante. Quand on a gravi la montagne, on trouve un angle de rocher, et l’on se voit en face d’une paroi escarpée, contre laquelle l’église et le couvent sont comme incrustés.

L’extérieur de l’église n’a rien qui invite et qui promette. On ouvre la porte sans s’attendre à rien, et l’on est merveilleusement surpris dès l’entrée. On se trouve dans un vestibule qui s’étend dans le sens de la largeur de l’église, et qui est ouvert du côté de la nef. On y voit les vases ordinaires avec l’eau bénite et quelques confessionnaux. La nef est une cour ouverte, formée à droite par des rochers sauvages, à gauche par une continuation du vestibule. Elle est pavée de dalles un peu inclinées pour faciliter l’écoulement de la pluie. Une petite fontaine coule à peu près au milieu. La grotte elle-même a été transformée en chœur

  1. Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile par Richard de Saint-Non. Plusieurs savants l’ont aidé. La description de la Sicile est presque entièrement l’ouvrage de Denon.