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chaque bouffée de vent, les immondices que vous avez jetées dans la rue principale. À Naples, des ânes sont occupés chaque jour à porter les balayures dans les jardins et les champs. Ne pourrait-on faire chez vous quelque chose de pareil ? — Les choses sont chez nous comme elles sont, répliqua l’homme. Ce que nous jetons hors de la maison pourrit l’un sur l’autre devant la porte. Vous voyez là des lits de paille et de roseaux, d’épluchures et de toutes sortes d’immondices : cela sèche tout ensemble et nous revient en poussière, contre laquelle nous nous défendons tout le jour. Mais, voyez, nos jolis balais, proprets, agiles, finissent par s’user et ne font plus qu’augmenter l’ordure devant nos maisons. » Et il me disait vrai en badinant. On a ici de petits balais mignons de palmier nain, dont on ferait, avec peu de changements, des éventails. Ils s’usent aisément et les vieux jonchent la rue par milliers.

À ma question répétée, si l’on ne pourrait prendre aucune mesure, il répondit qu’on disait dans le peuple que ceux qui devraient veiller à la propreté ne pourraient, à cause de leur grande influence, être forcés à faire des deniers publics l’emploi légitime, et qu’il s’y joignait la singulière circonstance qu’on craignait, en enlevant cette couche de fumier, de laisser voir dessous combien le pavé est mauvais, ce qui mettrait au jour la déloyale administration d’une autre caisse. « Mais tout cela, ajouta-t-il avec une expression bouffonne, ne sont que des suppositions malveillantes. » Pour lui, il était de l’avis de ceux qui affirment que la noblesse garde pour ses carrosses cette couche molle, afin de pouvoir faire commodément sa promenade du soir sur un sol élastique. Ce bon homme, une fois en train, tourna en raillerie d’autres abus de la police, et me donna la preuve consolante que l’homme a toujours assez de gaieté pour se divertir des maux inévitables.

Palerme, vendredi 6 avril 1787.

Sainte Rosalie, patronne de Palerme, est généralement connue par la description que Brydone a donnée de sa fête, et mes amis trouveront agréable de lire quelques détails sur le lieu où elle est particulièrement honorée. Le mont Pellegrino, grande masse de rochers, plus large que haute, se trouve à l’extrémité nord-