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d’abord, prenant à gauche, on nous a menés dans une grande auberge. L’hôte, joyeux vieillard, dès longtemps accoutumé à voir des étrangers de toutes les nations, nous a fait entrer dans une grande chambre munie d’un balcon, d’où nous voyions la mer et la rade, la montagne de Sainte-Rosalie et le rivage ; nous avons aussi aperçu notre vaisseau et pu juger notre premier point de vue. Très-satisfaits de la position de notre chambre, nous avions à peine remarqué que, dans le fond, était cachée par des rideaux une alcôve exhaussée, où se déployait un lit d’une largeur imposante, surmonté d’un baldaquin de soie magnifique, et parfaitement assorti avec le reste du vieux et imposant mobilier. Un appartement si somptueux nous mit un peu dans l’embarras : selon notre habitude, nous demandâmes de régler les conditions. Le vieillard nous répondit que cela n’était point nécessaire ; il souhaitait que nous fussions bien chez lui. Nous dûmes nous servir aussi du vestibule, qui, frais et aéré, égayé par plusieurs balcons, était contigu à notre chambre. Nous avons admiré la vue, d’une variété infinie, et nous avons cherché à la reproduire en détail avec le crayon et le pinceau, car il se présentait ici aux regards de l’artiste une immense moisson. Le soir, le clair de lune nous a de nouveau attirés sur la rade et, après que nous fûmes rentrés, il nous a retenus longtemps encore sur le balcon. L’illumination était merveilleuse ; le repos et le charme étaient grands.

Palerme, mardi 3 avril.

Nous avons commencé par observer avec soin la ville, qu’il est facile de voir en gros et difficile de connaître : facile, parce qu’une rue immense la coupe depuis la porte d’en bas jusqu’à celle d’en haut, depuis la mer jusqu’à la montagne, et que cette rue est coupée à son tour par une autre, à peu près vers son milieu. Ce qui est sur ces lignes est facile à trouver ; l’intérieur de la ville, au contraire, égare l’étranger, et il ne peut, sans guide, sortir de ce labyrinthe. Vers le soir, notre attention s’est portée sur la file des voitures de la noblesse, qui allait faire, suivant l’usage, sa promenade hors de la ville, au bord de la rade, pour respirer la fraîcheur, se livrer à la conversation et courtiser les dames.