Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

meilleures années, on a cultivé jusqu’à trois fois le maïs dans là même champ.

J’ai beaucoup vu et médité plus encore ; le monde s’ouvre de plus en plus, et même, tout ce que je sais depuis ’longtemps, ce n’est qu’à présent que je me l’approprie. L’homme sait bientôt, mais il pratique bien tard ! Je regrette seulement.de ne pouvoir à chaque instant faire part à quelqu’un de mes observations. J’ai Tischbein, il est vrai- ; mais, chez lui, l’homme et l’artiste sont agités de mille pensées, réclamés par cent personnes ; sa position est particulière, elle est étrange ; il ne peut prendre une libre part à l’existence d’un autre, parce qu’il sent gênée sa propre tendance. Et pourtant le monde n’est qu’une simple roue, pareille à elle-même dans tout son contour : si elle nous semble étrange, c’est que nous tournons nous-mêmes avec elle.

Ce que j’ai toujours dit est arrivé : c’est dans ce pays seulement que je parviens à comprendre et à développer maint phénomène de la nature et maint désordre des opinions. Je recueille de toutes parts, et je rapporterai beaucoup de choses et aussi, je puis le dire, beaucoup d’amour de la patrie et de joie à vivre avec quelques amis.

Quant à mon voyage de Sicile, la balance est encore dans la main des dieux ; la languette oscille à droite et à gauche.

Quel peut être cet ami qu’on m’annonce si mystérieusement ? Pourvu que je n’aille pas le manquer, pendant mes courses vagabondes et mon voyage dans l’île 1

La frégate de Palerme est revenue ; elle repartira dans huit jours. Je ne sais si elle m’emmènera, si je retournerai à Rome pour la semaine sainte. Je ne fus jamais aussi irrésolu : un moment, une bagatelle, décideront. Les gens me donnent déjà moins d’embarras. Seulement il faut se contenter de les peser avec le poids marchand et non avec le trébuchet, comme, hélas ! ont souvent coutume de faire entre eux les amis par une humeur fantasque et une bizarre exigence. Ici les gens ne s’inquiètent nullement des gens ; ils remarquent à peine qu’ils courent ça et là les uns à côté des autres ; ils vont et viennent tout le jour dans un paradis, sans trop regarder autour d’eux, et, si le gouffre infernal, leur voisin, entre en fureur, on a recours au