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connais à peine, et il me semble que je suis un autre homme. Je me disais hier : « Ou bien tu as été fou jusqu’à ce jour, ou bien tu l’es maintenant. »

J’ai été d’ici visiter les restes de l’ancienne Capoue et tout ce qui s’y rapporte.

Il faut venir dans ce pays pour apprendre ce que c’est que la végétation et pourquoi on laboure un champ ! Le lin est déjà près de fleurir, et le blé haut d’un empan et demi. Autour de Caserte, tout est plaine ; les champs sont aussi unis, aussi soigneusement cultivés que les carreaux d’un jardin. Tout est planté de peupliers auxquels la vigne s’enlace, et, malgré cet ombrage, le sol produit encore les plus belles moissons. Que sera-ce quand une fois le printemps aura commencé tout de bon ? Jusqu’à présent nous avons eu avec un beau soleil des vents très-froids. Cela tient à la neige qui couvre les montagnes.

Dans quinze jours il se décidera si je vais en Sicile. Jamais résolution à prendre ne m’a trouvé aussi chancelant. Aujourd’hui survient quelque chose qui me conseille le voyage, demain une circonstance qui me le déconseille. Deux génies se disputent ma personne.

Voici une confidence pour mes amies seulement ; mes amis n’en doivent rien savoir 1 Je vois bien qu’on a fait à mon Iphigénie un singulier accueil. On était accoutumé à la première forme, on connaissait les expressions, qu’on s’était appropriées pour les avoir lues et entendues souvent. Maintenant tout cela sonne autrement, et je vois bien qu’au fond personne ne me sait gré de la peine infinie que je me suis donnée. Un pareil travail n’est proprement jamais achevé ; on doit le déclarer achevé quand on a fait tout ce qu’on pouvait faire, eu égard au temps et aux circonstances. Toutefois cela ne doit pas me détourner de faire sur le Tasse une opération semblable. Sans cela j’aimerais mieux le jeter au feu. Mais je veux persister dans ma résolution, et, puisque enfin la chose n’est pas autrement, nous allons faire de cette pièce un singulier ouvrage. Il m’est donc tout à fait agréable que l’impression de mes œuvres avance lentement. Et pourtant il est bon de se voir menacé à quelque distance par le compositeur. Chose étrange que, pour l’action