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river au premier plan, et qu’il emploie ces teintes l’une après l’autre, un tableau se trouve achevé on ne sait comment. Si l’exécution était aussi aisée qu’elle paraît l’être ! Il m’a dit avec sa franchise accoutumée : «Vous avez des dispositions, mais vous ne savez rien faire. Restez un an et demi chez moi, et vous parviendrez à produire quelque chose qui fera plaisir à vous et à vos amis. » N’est-ce pas là le texte sur lequel il faudrait prêcher sans fln tous les amateurs ? Nous verrons comment j’en proflterai.

Ce qui prouve la confiance dont la reine honore notre artiste, c’est non-seulement qu’il donne des leçons aux princesses, mais surtout qu’il est souvent appelé, le soir, à des conversations instructives sur l’art et sur ce qui y touche. Il prend pour base le dictionnaire de Soulzer, et il y choisit tel ou tel article, selon qu’il le juge à propos. J’ai dû approuver la chose, et puis rire de moi-même. Quelle différence entre l’homme qui veut tirer du dedans sa culture, et celui qui veut agir sur le monde et lui donner une instruction usuelle ! La Tlu’oric de Soulzer m’a toujours été odieuse, à cause de la fausseté de sa maxime fondamentale, et puis j’ai vu que cet ouvrage renferme encore beaucoup plus de choses que les gens n’ont besoin d’en savoir. Les nombreuses connaissances que ce livre communique, la façon de penser à laquelle s’arrêtait un homme du mérite de Soulzer, n’étaient-elles pas suffisantes pour les gens du monde ?

Nous avons passé bien des heures intéressantes chez le restaurateur Andres, qui, appelé de Rome, demeure aussi dans le vieux château, où il poursuit assidûment ses travaux, auxquels le roi s’intéresse. Je n’ose entreprendre de décrire son habileté à restaurer les anciens ouvrages, parce qu’il faudrait en même temps développer la tâche difficile et l’heureuse solution que se propose cette industrie particulière.

Caserte, 16 mars 1787.

Je reçois aujourd’hui vos chères lettres du 19 février, et je d.ois répondre un mot sur-le-champ. Qu’il m’est doux de me recueillir en songeant à mes amis !

Naples est un paradis ; chacun vit dans une sorte d’ivresse et d’oubli de soi-même. C’est aussi ce que j’éprouve ; je me re-