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En voyant le caractère particulier que prend dans la soirée le tumulte de la ville, je formai le vœu de pouvoir séjourner ici quelque temps, pour essayer de rendre selon mes forces ce mobile tableau. Je ne serai pas si heureux.

Naples, 7 mars 1787.

Durant cette semaine, Tischbein m’a montré et expliqué en conscience une grande partie des chefs-d’œuvre de Naples. Excellent connaisseur et peintre d’animaux, il m’avait déjà fait remarquer une tête de cheval en bronze dans le palais Colombrano : nous y sommes allés aujourd’hui. Ce précieux débris est placé, vis-à-vis de la porte cochère, dans la cour, où il occupe une niche au-dessus d’une fontaine. Ce fragment est une chose étonnante. Quel effet cette tête devait-elle produire, unie avec les autres membres ! Le cheval était beaucoup plus grand que ceux de Saint-Marc. Comme on voit cette tête de plus près et isolément, on peut mieux en étudier et en admirer le caractère et la force. Le bel os frontal, les naseaux fumants, les oreilles attentives, la crinière hérissée… quel puissant animal ! que de feu, que de force !

Nous nous retournâmes, pour observer une statue de femme placée dans une niche au-dessus de la porte cochère. Winckelmann y voyait l’image d’une danseuse ; car ces artistes, dans leurs mouvements animés, représentent de la manière la plus variée ce que les arts plastiques nous ont conservé comme nymphes et comme déesses dans une pose arrêtée. Elle est très-légère et très-belle ; la tête était cassée, mais elle a été replacée habilement. Du reste elle n’a subi aucune altération et elle mériterait une meilleure place.

Naples, 9 mars 1787.

Je reçois aujourd’hui vos chères lettres du 16 février. Continuez toujours d’écrire. J’ai bien organisé mes bureaux de poste intermédiaires, et je le ferai encore, si je dois aller plus loin. Il me paraît bien étrange de lire, à une si grande distance, que les amis ne se réunissent pas, et pourtant rien de plus naturel que de ne pas se réunir quand on est si près les uns des autres.

Le temps s’est assombri ; il change ; le printemps approche et nous aurons des jours de pluie. Le sommet du Vésuve ne