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énorme dont la fumée était écartée de nous par un vent léger, mais en même temps nous voilait l’intérieur du gouffre, qui fumait alentour par mille gerçures. Pendant un intervalle, la vapeur laissa apercevoir ça et là des parois de rochers crevassées. Le spectacle n’était ni instructif ni agréable, mais, par cela même, qu’on ne voyait rien, on attendait, pour voir sortir quelque chose. Nous avions négligé de compter tranquillement, nous étions au bord de l’abîme : soudain le tonnerre retentit, l’effroyable décharge part devant nous ; nous baissons la tête involontairement, comme si cela nous eût sauvés des masses tombantes ; déjà les petites pierres craquetaient, et, sans réfléchir que nous avions de nouveau un intervalle devant nous, joyeux d’avoir affronté le danger, nous arrivâmes au pied du cône avec la cendre pleuvant encore ; nos chapeaux et nos épaules en étaient suffisamment poudrés.

Accueilli et grondé par Tischbein de la manière la plus amicale, restauré enfin, je pus donner aux laves, anciennes et nouvelles, une attention particulière. Le vieux guide savait indiquer les années exactement. Les plus anciennes étaient déjà couvertes de cendres et égalisées ; les nouvelles, surtout celles qui avaient coulé lentement, présentaient un singulier aspect : comme, en poursuivant leur marche traînante, elles charrient quelque temps avec elles les masses durcies à leur surface, il doit arriver que celles-ci de temps en temps résistent ; mais, entraînées encore par les courants de feu, poussées les unes sur les autres, elles demeurent fixées avec des formes anguleuses plus bizarres, plus étranges qu’on ne le voit en pareil cas dans les glaçons poussés les uns sur les autres. Parmi cet amas confus de matières fondues se trouvaient aussi de grands blocs, dont la cassure a toute l’apparence d’une espèce de roche primitive. Les guides assurèrent que c’étaient d’anciennes laves provenant des dernières profondeurs, et que la montagne vomit de temps en temps.

En revenant à Naples, j’ai remarqué des maisonnettes à un seul étage, singulièrement bâties, sans fenêtres, dont les chambres ne sont éclairées que par la porte, qui donne sur la rue. Les habitants sont assis devant dès le matin jusqu’à la nuit, qu’ils se retirent enfin dans leurs cavernes.