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situation de la ville et ses magnificences, qu’on a si souvent décrites et célébrées, je n’en dirai pas un mot : Vedi Napoli e poi muori ! disent-ils ici. « Vois Naples et puis meurs ! » .

Je vous adresse quelques lignes bien brèves pour vous annoncer ma bienvenue, et même, avec elles, une enveloppe de votre dernière lettre, enfumée dans le coin, comme témoignage qu’elle m’a accompagné au Vésuve. Mais je ne dois ni dans le songe, ni dans la veille, vous apparaître environné de dangers ; soyez certains que là où je vais il n’y a pas plus de dangers que sur la chaussée du Belvédère. Partout la terre appartient au Seigneur ! peut-on dire à cette occasion. Je ne cherche les aventures ni par trop de curiosité, ni par bizarrerie, mais je puis faire et hasarder plus qu’un autre, parce qu’en général j’y vois clair et que je saisis promptement dans chaque objet ce qu’il a de particulier. Le passage en Sicile n’est rien moins que dangereux. Il y a quelques jours que la frégate est partie pour Palerme par un bon vent du nord-est ; elle a laissé Capri à droite et a certainement fait le trajet en trente-six heures.

En Sicile même, le danger est réellement bien moindre qu’on ne veut se le figurer de loin. On n’aperçoit maintenant dans l’Italie inférieure aucun symptôme de tremblement de terre ; dans la supérieure, Rimini et les environs ont souffert dernièrement. Chose singulière ! on parle ici de cela comme du vent et du temps qu’il fait et comme on parle en Thuringe des incendies.

Je suis charmé que votre goût se familiarise avec mon Iphigénie sous sa nouvelle forme. J’aimerais mieux encore que la différence vous eût paru plus sensible.

Je sais ce que j’y ai mis et je puis en parler, parce que j’aurais pu pousser la chose plus loin encore. Si c’est un plaisir de goûter ce qui est bien, c’en est un plus grand de sentir ce qui est mieux, et, dans l’art, c’est l’excellent qui est assez bon.

Naples, 5 mars 1787.

Nous avons consacré le second dimanche du carême à visiter les églises. À Rome tout est grave au plus haut point, ici tout est joyeux et gai. C’est à Naples seulement qu’on peut comprendre l’école de peinture napolitaine. On voit ici avec étonnement