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n’y avons pas manqué. Des personnes cultivées, qui appartiennent au monde et à son mouvement, mais qui entendent aussi la voix d’une sérieuse destinée, et qui sont disposées à la méditation ; un regard qui se promène sur la terre et la mer et le ciel sans bornes, et que rappelle la présence d’une aimable et jeune dame, qui a l’habitude et le goût de recevoir des hommages… Cependant, au milieu de cette ivresse, je n’ai pas manqué de faire quelques observations. La carte dont je me suis servi sur les lieux et une rapide ébauche de Tischbein me serviront fort bien quand je reviendrai sur ce sujet : aujourd’hui je suis incapable d’ajouter un seul mot.

Naples, 2 mars 1787.

Si aucun Napolitain ne veut quitter Naples, si ses poêtes chantent avec les plus vives hyperboles sa délicieuse situation, il faudrait le leur pardonner, quand même deux ou trois Vésuves de plus se trouveraient dans le voisinage. Ici on ne peut du tout se souvenir de Rome : auprès de la libre position de Naples, la capitale du monde paraît, dans la vallée du Tibre, comme un vieux cloître mal placé. La mer et la navigation amènent aussi un état de choses tout nouveau. La frégate pour Palerme est partie hier avec une forte et sereine tramontane. Cette fois elle n’aura pas mis plus de trente-six heures à faire la traversée. Avec quelle impatience je suivais du regard les voiles enflées, quand le navire a passé entre Capri et le cap Minerve et a fini par disparaître ! Si l’on voyait partir ainsi une personne aimée, il faudrait mourir de langueur. Aujourd’hui souffle le sirocco ; s’il se renforce, les vagues offriront un joli spectacle autour du môle.

Aujourd’hui vendredi, c’était la grande promenade de la noblesse, où chacun produit ses équipages, surtout ses chevaux. On ne peut rien voir de plus élégant que ces animaux : c’est la première fois de ma vie que je sens à leur vue mon cœur s’épanouir.

Naples, 3 mars 1787.

Je suis monté hier sur le Vésuve, quoique le temps fût nébuleux et la cime enveloppée de nuages. Je suis allé jusqu’à Résina en voiture, puis, prenant à travers les vignes, j’ai gravi la montagne d’abord à dos de mulet, enfin à pied sur la lave de 1771,