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pour ce soir ! Excusez ma plume galopante. J’écris sans penser, j’écris pour écrire. Les objets sont trop multipliés, la halte est trop mauvaise, et toutefois mon désir trop grand de confier quelque chose au papier. Nous sommes arrivés à la nuit tombante, et il est temps de chercher le repos.

Sainte-Agathe, 24 février 1787.

Il faut que je vous rende compte d’une belle journée dans une chambre froide. Nous avons quitté Fondi au point du jour, et nous fûmes aussitôt salués par les oranges qui pendaient pardessus les murs des deux côtés du chemin. Les arbres sont aussi chargés qu’on peut l’imaginer. Par en haut le jeune feuillage est jaunâtre, par en bas et au milieu il est du vert le plus riche. Mignon avait bien raison de regretter ce pays. Ensuite nous avons traversé des champs de blé bien cultivés, plantés d’oliviers dans les endroits convenables. Le vent les agitait et montrait au jour la face argentée du feuillage ; les rameaux se pliaient avec une gracieuse souplesse. La matinée était nébuleuse ; un fort vent du nord promettait de dissiper tous les nuages. Ensuite la route passe dans la vallée entre des champs pierreux, mais bien labourés : les blés sont du plus beau vert. Ça et là on voit de grandes places rondes, pavées, entourées de petits murs bas : c’est là qu’on bat le grain dès qu’il est moissonné, sans le transporter en gerbes à la maison. La vallée devenait plus étroite, le chemin montait ; de part et d’autre s’élevaient des roches calcaires. L’orage était plus fort derrière nous. Il tombait du grésil, qui fondait très-lentement. Nous fûmes surpris de voir les murs de quelques édifices antiques bâtis en maçonnerie réticulaire. Sur la hauteur, les esplanades sont rocheuses et pourtant plantées d’oliviers,chaque fois qu’un tant soit peu de terre a pu les recevoir. On traverse ensuite une plaine couverte d’oliviers, puis une petite ville. Nous avons trouvé des autels, des tombeaux antiques, des fragments de toute espèce, maçonnés dans les clôtures des jardins, puis des rez-de-chaussée d’anciennes villas, très-bien construits, mais aujourd’hui remplis de terre, et couverts de bosquets d’oliviers. Puis nous aperçûmes le Vésuve, surmonté d’une colonne de fumée.

À Gaëte, nous avons été de nouveau accueillis par de superbes