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VOYAGE EN ITALIE.

que personne y promène ses regards. C’est un véritable fouillis. Les arbres et les buissons, les herbes et les branches, croissent comme il leur plaît, sèchent, tombent, pourrissent. Tout cela est bien et même pour le mieux. La place devant l’entrée est d’une beauté inexprimable. Un haut mur ferme la vallée ; une porte grillée laisse pénétrer le regard, puis la colline s’élève, sur laquelle est située le château. Cela offrirait un tableau du plus grand caractère sous le pinceau d’un bon peintre.

Mais faisons trêve aux descriptions. Encore un mot seulement : au moment où nous contemplâmes de la hauteur les montagnes de Sezza, les marais pontins, la mer et les îles, une forte averse passa par-dessus les marais, en se dirigeant vers la mer ; la lumière et les ombres, changeantes et mobiles, animèrent de la façon la plus variée cette plaine déserte. Quelques colonnes de fumée, éclairées par le soleil, et qui s’élevaient de cabanes éparses, à peine visibles, concouraient à produire un très-bel effet.

Velletri est dans une situation très-agréable, sur une colline volcanique, qui ne se lie aux autres que vers le nord, et qui offre des trois autres côtés la plus libre perspective.

Nous avons visité le cabinet du chevalier Borgia, qui, à la faveur de son alliance avec le cardinal et avec la Propagande, a pu rassembler ici des antiquités de grand prix et d’autres objets remarquables, des idoles égyptiennes de la pierre la plus dure, des figurines en métal de diverses époques, trouvées dans les environs, des bas-reliefs en terre cuite, sur lesquels on se fonde pour attribuer aux anciens Volsques un style particulier. Ce musée possède d’autres raretés de tout genre. J’ai remarqué deux cassettes chinoises pour peindre au lavis : sur les faces de l’une est représentée toute l’éducation des vers à soie, sur l’autre, la culture du riz, l’une et l’autre rendues avec une grande naïveté, et d’un travail infini. Les cassettes et leurs étuis sont d’une ravissante beauté, et peuvent être vus à côté du livre que j’ai admiré dans la bibliothèque de la Propagande. On serait impardonnable de ne pas visiter plus souvent ce trésor placé si près de Rome ; mais la difficulté de toute excursion dans ces contrées et le lien magique dont Rome nous enchaîne peuvent servir d’excuse.