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ou même à la Sicile, on s’imagine, soit par les récits soit par les peintures, que, dans ces paradis du monde, l’enfer volcanique s’ouvre d’abord avec violence, et, depuis des milliers d’années, effraye et trouble les habitants et les touristes. Mais j’écarte avec soin de ma pensée l’espérance que j’ai de voir ces imposants spectacles, afin de bien mettre à profit avant mon départ, mon séjour dans la vieille capitale du monde. Depuis quinze jours, je suis en mouvement du matin au soir. Ce que je n’ai pas vu encore, je le cherche. J’observe pour la seconde et la troisième fois ce qu’il y a de plus excellent ; et maintenant tout s’arrange un peu : car, les objets principaux occupant leur véritable place, il se trouve assez d’espace entre eux pour un grand nombre de moindre importance. Mes préférences s’épurent et se décident, et mon Ame peut enfin s’élever, avec une admiration tranquille, à ce qu’il y a de plus grand et de plus vrai. Cependant on trouve l’artiste digne d’envie, de pouvoir, en les copiant et les imitant de toutes manières, s’approcher plus de ces grandes conceptions et les mieux comprendre que l’homme qui ne fait que les contempler et les méditer. Mais enfin chacun doit faire ce qu’il peut, et je déploie toutes les voiles de mon esprit pour faire le tour de ces rivages.

La cheminée est, cette fois, réchauffée tout de bon, et voilà de magnifiques charbons amoncelés, ce qui est rare chez nous, parce qu’on n’a guère le temps et l’envie de donner au feu de la cheminée quelques heures d’attention. Je veux donc utiliser cette belle température, pour sauver de ma table à écrire quelques observations déjà effacées à demi. Le 2 février, nous sommes allés à la chapelle Sixtine voir bénir les cierges. Je m’y suis trouvé d’abord très-mal à mon aise et je suis bientôt ressorti avec mes amis. Car, me disais-je, ce sont justement ces cierges qui, depuis trois cents ans, noircissent ces magnifiques tableaux, et c’est ce même encens qui, avec une sainte effronterie, enveloppe de vapeurs l’unique soleil des arts, le rend plus sombre d’année en année et finira par le plonger dans les ténèbres. Là-dessus, nous avons cherché le grand air, et, après une longue promenade, nous sommes arrivés à Saint-Onuphre, où le Tasse est enseveli dans un coin. On voit son buste dans la bibliothèque du couvent. Le visage est en cire, et je suis