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ne le semblaient sur le papier. Véritablement, la poésie n’est pas faite pour l’œil. Cette bonne renommée a retenti jusqu’aux oreilles de Reiflenstein et d’Angélique1, et j’ai dû produire de nouveau mon travail. J’ai demandé un délai, mais j’ai exposé d’abord avec quelque développement la fable et la marche de la pièce. Cette exposition a été accueillie plus favorablement que je n’aurais cru. M. Zucchi, duquel je l’aurais le moins attendu, y a pris un intérêt sincère et bien senti. Cela s’explique par la circonstance que la pièce se rapproche de la forme à laquelle on est dès longtemps accoutumé dans les littératures grecque, italienne et française, forme toujours la plus agréable aux personnes qui ne sont pas accoutumées aux hardiesses du théâtre anglais.

Rome, 25 janvier 1787.

Il me devient toujours plus difficile de rendre compte de mon séjour à Rome : on trouve la mer toujours plus profonde à mesure qu’on s’y avance, et c’est aussi ce que j’éprouve en observant cette ville.

On ne peut se rendre compte du présent sans étudier le passé, et la comparaison de l’un avec l’autre exige plus de temps et de loisir. La situation de cette capitale du monde nous reporte déjà à sa fondation. Nous voyons bientôt que ce ne fut pas un peuple nomade, nombreux et bien conduit, qui s’établit dans ce lieu, et y fixa sagement le centre d’un empire ; un prince puissant ne l’a point choisi comme emplacement convenable à l’établissement d’une colonie : non, des bergers et des brigands s’en firent d’abord une retraite ; deux robustes jeunes gens jetèrent les fondements du palais des maîtres du monde sur la colline au pied de laquelle le caprice du fondateur les établit un jour entre des marais et des roseaux. Ainsi les sept collines de Rome ne sont pas des hauteurs tournées contre le pays qui s’étend derrière elles ; elles sont tournées contre le Tibre et contre son ancien lit, qui devint le Chainp-de-Mars. Si le printemps me permet de plus grandes excursions, je retracerai plus amplement cette situation malheureuse. Dès a présent je prends la part la plus sincère à la douleur et aux


1. Angélique Iviufl’maiin.