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Winckelmann dit du style sublime des Grecs. Malheureusement il ne cite pas là cette Minerve, et pourtant, si je ne me trompe, elle est de ce sublime et sévère style qui passe dans le beau ; c’est le bouton qui s’épanouit, et voilà une Minerve au caractère de laquelle cette transition convient parfaitement.

Passons à un spectacle d’un autre genre. Le jour des Rois, fête du salut annoncé aux Gentils, nous sommes allés à la Propagande. Là, en présence de trois cardinaux et d’un nombreux auditoire, nous avons d’abord entendu un discours sur la question de savoir en quel lieu la vierge Marie a reçu les Mages, si ce fut dans l’étable ou ailleurs. Ensuite on a lu quelques poésies latines sur le même sujet ; puis une trentaine de séminaristes ont paru à la file et ont lu de petits poèmes, chacun dans l’idiome de son pays : malabare, épirote, turc, moldave, hellénique, persan,colchique, hébraïque, arabe, syrien, cophte, sarrasin, arménien, hibernois, madécasse, islandais, boien, égyptien, grec, isaurien, éthiopien, et bien d’autres que je n’entendais pas. Ces poésies paraissaient la plupart composées selon la prosodie et récitées avec la déclamation nationale : car il se produisait des rhythmes et des sons barbares. Le grec parut comme une étoile dans la nuit. L’auditoire riait immodérément de ces -/oix étranges, et cette exhibition tourna de la sorte à la farce.

Encore une historiette, qui montre comme on traite avec licence dans la sainte Rome les choses saintes. Le défunt cardinal Albani assistait un jour à cette cérémonie. Un des élèves, se tournant vers les cardinaux, se mit à dire en sa langue : Gnaia ! gnaia ! ce qui sonnait à peu près comme canaglia ! canaglia ! Le cardinal se pencha vers un de ses confrères et lui

dit : « Celui-là nous connaît ! »

Borne, 15 janvier 1787.

Winckelmann a beaucoup fait et il nous a laissé beaucoup à désirer. S’il se hâta de bâtir avec les matériaux qu’il s’était appropriés, c’était pour se mettre à couvert. S’il vivait encore (et il pourrait être encore vivant et bien portant), il serait le premier à nous donner un remaniement de son travail. Que n’aurait-il pas encore observé, rectifié ; que n’aurait-il pas mis à profit de ce que d’autres ont fait et observé selon ses principes,