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sérieux dans les affaires sérieuses, c’est une chose naturelle, surtout quand on est, par tempérament, disposé à la méditation, et qu’on voudrait voir régner dans le monde le bien et la justice. Recevez donc gracieusement cette année comme un don du ciel, ainsi que nous devons considérer toute notre vie ; que chaque année écoulée soit pour nous un sujet de reconnaissance. Je suis bien selon ma constitution ; je puis présider à mes affaires, goûter la société de bons amis, et il me reste du temps et des forces pour quelques occupations favorites. Je ne saurais imaginer pour moi une situation meilleure, sachant ce qu’est le monde et ce qu’on voit derrière les mon tapies. Vous, de votre côté, soyez heureuse que je vive. Si je devais quitter avant vous ce monde, du moins je ne vous aurai pas fait rougir ; je laisserai de bons amis, une bonne renommée, et vous aurez cette consolation excellente, que je ne mourrai pas tout entier. Cependant vivez tranquille ; peut-être le sort nous donnera-t-il de passer ensemble une agréable vieillesse, dont nous jouirons aussi jusqu’à la fin avec reconnaissance. »

La tendresse filiale exprime peut-être ici une sécurité plus grande que Goethe ne l’éprouvait. Le duc lui-même fut alarmé, et il engagea son ministre à faire un voyage dans le Harz. Goethe le fit en compagnie du troisième fils de son amie, le jeune Fritz de Stein, pour lequel il avait la sollicitude et la tendresse d’un père, et qui habita longtemps chez lui.

Ce voyage fut favorable à sa santé, et, dès cette année (1784), le théâtre d’amateurs ayant fait place à une troupe régulière, Goethe, moins occupé de ce côté, se voua surtout aux sciences naturelles et à l’étude de l’antiquité. Dans l’un et l’autre objet, il avait en vue le voyage qu’il se préparait secrètement à faire en Italie.

En 1785, le duc augmenta son traitement de deux cents thalers ; en sorte qu’avec les dix-huit cents de son héritage paternel, il jouit dès lors d’un revenu de trois mille deux cents thalers, qui lui permit de satisfaire ses goûts studieux et son humeur bienfaisante.

Cependant son genre de vie plus Calme et plus sérieux influa sur la cour : la duchesse Amélie se plaignait que tout le monde dormait ; Charles-Auguste trouvait la société insipide. Goethe sut inspirer au prince des goûts plus solides et l’attira vers les sciences naturelles, Herder lui-même y prit intérêt. Jacobi, qui parut alors à Weimar, ne reçut pas de ces objets une impression aussi favorable. Goethe ’ avait, de son côté, déclaré la guerre à la métaphysique. Ce n’était plus le temps des épanchements intimes dont il parle avec tant de