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de nous son point de départ. Et cela est vrai, non-seulement de l’histoire romaine, mais de l’histoire universelle. D’ici je puis accompagner les conquérants jusqu’au Véser et jusqu’à l’Euphrate, ou, s’il me plaît d’être un badaud, je puis attendre dans la Voie Sacrée le retour des triomphateurs : cependant je me suis nourri de blé et d’argent distribués, et je prends à mon aise ma part de toute cette magnificence.

Rome, 2 janvier 1787.

Qu’on dise ce qu’on voudra en faveur de la tradition écrite et orale, il est rare qu’elle soit suffisante, car elle ne peut transmettre le caractère propre de l’objet, même quand il s’agit des choses intellectuelles. Mais, a-t-on d’abord bien vu de ses yeux, alors on peut écouter et lire avec intérêt, parce que l’exposé se rattache à une impression vivante ; alors on peut apprécier et juger.

Vous vous êtes souvent raillés de moi, vous avez voulu m’arrêter, quand je considérais avec un intérêt particulier, et sous certains points de vue déterminés, des pierres, des plantes et des animaux ; maintenant je dirige mon attention sur l’architecte, le sculpteur et le peintre, et j’apprendrai aussi à m’y retrouver.

Rome, 4 janvier 1787.

Après tout cela, il faut que je parle encore de l’irrésolution qui me prend au sujet de mon séjour en Italie. Dans ma dernière lettre, je faisais connaître ma volonté de quitter Rome aussitôt après Pùques, et de regagner ma patrie. Jusque-là j’aurai bu quelques tasses encore du grand Océan, et ma soif la plus pressante sera apaisée. Je suis guéri d’une passion et d’une maladie violentes ; je sais encore jouir de la vie, jouir de l’histoire, de la poésie, de l’antiquité ; et j’ai, pour des années, des matériaux à polir et à compléter. Mais des voix amies me représentent maintenant que je ne dois pas me hâter, que je dois retourner chez moi avec des richesses plus complètes. Le duc m’a écrit une lettre bienveillante et sympathique, qui me dispense de mes devoirs pour un temps indéfini et me tranquillise sur mon absence. Mon esprit se tourne vers le champ immense que je devrai laisser sans y mettre le pied.