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à Merck cette nouvelle. Le 1" juin, Goethe vint habiter à la ville sa maison du Frauenplan. La duchesse Amélie lui donna une partie du mobilier. Il ne quitta pas sa demeure champêtre sans un vif regret ; elle fut toujours sa retraite favorite.

A la même époque (juin 1782), le grand-duc lui fit conférer par l’empereur le titre de baron, et il l’éleva en même temps à la dignité de président du conseil.

Nous avons dit que la liaison du prince et du poète fut sujette à quelques orages. Les écarts de jeunesse et les façons un peu rudes de Charles-Auguste affligèrent quelquefois son ami, qui ne craignit pas de lui représenter son devoir. Il prit peu à peu avec son maître des manières plus réservées, et se ménagea ainsi les moyens d’exercer sur lui l’influence d’un conseiller fidèle. Goethe admirait avec une tendre vénération la duchesse Louise, et il se permit de reprocher plus d’une fois à l’époux les brusqueries dont elle avait à souffrir.

Il sut se soustraire lui-même par degrés aux exigences du prince, quand elles lui paraissaient excessives. Ce ne fut pas toujours sans combats, et nous pouvons croire que le président du conseil regretta plus d’une fois la vie privée. Mais ces moments orageux, dans une vie d’ailleurs si sereine et si belle, prouvent seulement que le parfait bonheur n’était pas plus à Weimar que nulle part sur la terre. L’étude, la poésie avaient hientôt rasséréné son âme, et il revenait a son cher duc avec sa tendresse accoutumée. « Je pardonne au prince ses folies, écrivait-il, parce que je nie souviens des miennes. »

Vers ce temps-là, il entreprit une nouvelle édition de Werther, et, au bout de dix ans, il relut pour la première fois cet ouvrage de sa jeunesse. Tout ne lui plut pas, et il fit quelques changements, entre autres dans les rapports d’Albert et de Charlotte….

Au mois de février 1783, la grande-duchesse mit au monde un fils, et cet événement, qui inspira au père une joie solennelle et des pensées salutaires, fut célébré par tout Weimar avec enthousiasme. Goethe garda le silence, pour laisser le champ libre aux autres poêtes ; mais, la même année, il composa pour l’anniversaire de Charles-Auguste son poeme d’Ilmenau, dans lequel, en retraçant, avec toute la magie de son pinceau, une scène de leurs plaisirs passés, Goethe en prend occasion d’adresser à son jeune maître les plus graves conseils.

En général, il s’appliquait alors aux affaires avec une ardeur si grande, que son humeur parut assombrie et sa santé compromise. Sa mère en fut informée, et il s’empressa de la rassurer. « Vous ne m’avez jamais vu, lui dit-il, une vaste corpulence ; et qu’on devienne