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Rome celle des artistes. Ainsi que la chapelle, le palais tout entier, avec toutes les salles, est accessible et ouvert à chacun ce jour-là pour plusieurs heures ; point de pourBoire à donner, et l’on n’est pas pressé par le concierge.

Je m’attachai aux fresques et j’appris à connaître d’excellents artistes, dont je savais à peine les noms ; j’appris, par exemple, à connaître et a aimer le gracieux Carlo Maratti. Mais je fus surtout charmé de voir les chefs-d’œuvre des artistes à la manière desquels je m’étais déjà formé. Je vis avec admiration la SaintePétronille du Guerchin.qui se trouvait auparavant à SaintPierre, où elle est remplacée par une copie en mosaïque. Le corps de la sainte est tiré du sépulcre, et la même Pétronille, ressuscitée, est reçue dans les cieux par un divin adolescent. Quoi que l’on puisse dire contre cette double action, le tableau est inestimable. Une toile du Titien m’a frappé plus encore. Elle efface toutes celles que j’ai vues. Mon goût est-il déjàplus exercé, ou ce tableau est-il véritablement le meilleur, c’est ce que je ne saurais décider. Une vaste chasuble, toute rigide de broderies et de figures d’or ciselées, enveloppe un évêque d’une belle prestance. La crosse massive dans la main gauche, il lève les yeux avec ravissement ; il tient de la main droite un livre, où il vient de puiser apparemment une émotion divine. Derrière lui, une belle jeune fille, une palme à-la main, regarde avec un aimable intérêt le livre ouvert. A droite, un vieillard grave, tout près du livre,semble ne pas y prendre garde : les clefs à la main, il peut se flatter de s’ouvrir lui-même l’entrée. Vis-à-vis de ce groupe, un beau jeune homme nu, enchaîné, percé de flèches, regarde fixement devant lui avec une résignation modeste. Dans l’intervalle, deux moines, portant le lis et la croix, se tournent avec dévotion vers les habitants du ciel, car la salle voûtée qui renferme tous ces personnages est ouverte par le haut. Là, dans la gloire suprême, plane une mère, qui abaisse sur cette scène un regard compatissant ; l’enfant vif et joyeux qu’elle tient dans ses bras présente avec grâce une couronne, qu’il semble même jeter au martyr. De part et d’autre volent des anges qui tiennent des couronnes en réserve. Au-dessus de tous et d’une triple couronne rayonnante, plane la céleste colombe, comme centre et clef de voûte en même temps. Nous nous disons que le