Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour l’amour de la religion ou de l’art, et surtout les architectes qui voudraient mesurer et copier le temple de Minerve, qu’on n’avait pas encore bien dessiné et gravé sur cuivre. Il ferait bien de les seconder, car sans doute ils se montreraient reconnaissants. En parlant ainsi, je lui glissai dans la main quelques pièces d’argent, qui lui causèrent une joyeuse surprise. Il me pria de revenir, et surtout de ne pas manquer la fête du saint, où je pourrais m’édifier et me réjouir en toute sûreté. Si même, comme joli cavalier, j’avais affaire d’une jolie dame, il pouvait m’assurer qu’à sa recommandation, je serais bien reçu de la plus belle et la plus honorable femme de toute la ville d’Assise. Puis il s’éloigna en me protestant que, ce soir même, il penserait à moi auprès du tombeau du saint et prierait pour le succès de mon voyage. C’est ainsi que nous nous séparâmes et je fus charmé de me retrouver seul avec la nature et avec moi-même. La route jusqu’à Foligno m’offrit une promenade des plus belles et des plus agréables que j’eusse jamais faites : quatre heures de marche le long d’une montagne, d’où je voyais à droite une vallée richement cultivée.

Avec les voiturins, on voyage assez mal commodément. Ce qui m’en plaît, c’est qu’on peut les suivre aisément à pied. Je me suis fait traîner comme cela depuis Ferrare. Cette Italie, si favorisée de la nature, est restée infiniment en arrière des autres pays pour tout ce qui est mécanique et technique, sur quoi est cependant basée une façon de vivre plus commode et plus animée. L’équipage des voiturins, qu’on appelle encore srdia, «un siège,» est né assurément des anciennes litières, dans lesquelles les femmes, les hommes âgés et les grands personnages se faisaient porter par des mulets. Au lieu du mulet de derrière, qu’on a attelé devant, à côté des brancards, on a mis deux roues dessous, et l’on n’a songé à aucun autre perfectionnement. On est balancé comme on l’était il y a des siècles. Il en est de même des habitations et de tout le reste.

Si l’on veut voir encore réalisée l’idée primitive, poétique, que les hommes passaient presque toute leur vie en plein air, et, en cas de besoin, se retiraient quelquefois dans des cavernes, il faut entrer dans les maisons de ce pays, surtout dans