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mon chemin, et je prêtai l’oreille. Je compris bientôt que c’était à moi qu’on en voulait. Quatre de ces gens, deux armés de fusils, passèrent à côté de moi d’un air rébarbatif, marmottèrent, revinrent bientôt sur leurs pas et m’entourèrent. Ils me demandent qui je suis et ce que je fais là. Je réponds que je suis un étranger, que j’ai pris à pied par Assise, tandis que le voiturin va à Foligno. Il ne leur parut pas vraisemblable qu’on payât une voiture et qu’on allât à pied. Ils me demandent si j’ai été au grand couvent. « Non, leur dis-je, l’édifice m’est connu depuis longtemps ; mais, comme je suis architecte, je me suis arrêté cette fois à considérer Sainte-Marie de Minerve, qui est, comme vous savez, un modèle d’architecture. » Ils en convinrent, mais ils trouvèrent très-mauvais que je n’eusse pas présenté mes hommages à Saint-François, et me firent connaître leur soupçon, que mon métier pourrait bien être de faire la contrebande. Je leur montrai combien il était ridicule de prendre pour un contrebandier un homme qui allait son chemin seul, sans valise et les poches vides. Là-dessus, j’offris de retourner avec eux à la ville et de me rendre chez le podestat, de lui montrer mes papiers, qui lui feraient connaître que j’étais un étranger honorable. Sur cela, ils grommelèrent et dirent que ce n’était pas nécessaire, et comme je continuais à me montrer sérieux et résolu, ils finirent par s’éloigner et s’en retourner à la ville. Je les suivis des yeux. Je voyais ces drôles au premier plan, et, derrière eux, l’aimable Minerve, qui me jetait encore un regard amical et consolant ; ensuite mes yeux se portèrent à gauche sur la triste coupole de Saintr François, et j’allais poursuivre mon chemin, quand un de ceux qui étaient sans armes se sépara de la troupe et courut à moi d’un air tout gracieux. Il me salua et me dit : * Seigneur étranger, il serait juste de me donner un pourboire, car je vous assure que je vous ai pris tout de suile pour un brave homme, et que je l’ai déclaré tout haut à mes camarades. Mais ce sont des têtes chaudes, des emportés, qui n’ont aucune connaissance du monde. Arous aurez aussi remarqué que j’ai, le premier, approuvé et appuyé vos paroles. »

Je lui en ai témoigné ma satisfaction et lui ai recommandé de protéger les étrangers honorables qui viendraient à Assise