Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est un Anglais et sa sœur, à ce qu’il dit. Ils ont de beaux chevaux, mais ils voyagent sans domestiques, et le monsieur fait, à ce qu’il paraît, à la fois l’office de palefrenier et de valet de chambre. Ils trouvent partout à se plaindre. On croit lire quelques pages d’Archenholtz.

Je trouve les Apennins une création remarquable. Après la grande plaine du Pô, vient une chaîne de montagnes qui s’élève des terrres basses pour terminer vers le sud le continent entre deux mers. Si les montagnes étaient moins escarpées, moins élevées au-dessus du niveau de la mer, moins singulièrement entrelacées ; que, dans les temps primitifs, le flux et le reflux eussent pu exercer une action plus forte et plus prolongée, former et inonder de plus gran Jes plaines, ce serait une des plus belles contrées, dans le plus admirable climat, un peu plus élevée que le reste du pays. Telle qu’elle est, c’est une contexture étrange de croupes montueuses qui se heurtent. Souvent, on ne voit pas du tout où l’eau trouvera son écoulement. Si les vallées étaient mieux remplies, les plaines plus unies et mieux arrosées, on pourrait comparer ce pays à la Bohême : seulement les montagnes ont à tous égards un autre caractère. Cependant il ne faut pas se figurer un désert ; mais, au contraire, une contrée généralement cultivée, quoique montagneuse. Les châtaigniers y deviennent très-beaux ; le froment est excellent, et les blés sont déjà d’un beau vert. Les routes sont bordées de chênes verts aux petites feuilles ; les églises et les chapelles sont entourées de sveltes cyprès.

Hier au soir le temps était nébuleux, aujourd’hui il est redevenu clairet beau.

Foligno, îô octobre, au soir.

J’ai passé deux soirs sans écrire : les auberges étaient si mauvaises qu’on ne pouvait songer à sortir une feuille de papier. D’ailleurs je commence à être un tant soit peu embarrassé ; car, depuis mon départ de Venise, la quenouille du voyage ne se file plus aussi bien, aussi nettement. Le 22, vers dix heures (à nos horloges), nous sortîmes des Apennins, et nous vîmes Florence dans une large vallée d’une incroyable fertilité et semée de villas et de maisons innombrables. J’ai parcouru la ville à la hâte, vu la cathédrale, le baptistère. Ici s’ouvre derechef un