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pas l’enfant de l’amour et de la joie, c’est un enfant divin, substitué furtivement, qu’elle laisse puiser la nourriture dans son sein, parce que la chose est comme cela, et que, dans sa profonde humilité, elle ne comprend pas du tout comment elle est arrivée là. Le reste du tableau est rempli par une immense draperie, dont les connaisseurs font une grande estime. Je ne sais trop ce que j’en dois penser. Les couleurs se sont rembrunies, la chambre et le jour n’étaient pas des plus clairs.

Malgré la confusion dans laquelle je me trouve, je sens déjà que l’exercice, l’expérience et l’inclination viennent à mon aide dans ces labyrinthes. Ainsi, j’ai été vivement touché d’une Circoncision du Guerchin, parce que je connais l’homme et que je l’aime. J’ai pardonné le sujet intolérable et j’ai joui de l’exécution. Peinture au-dessus de laquelle on ne peut rien imaginer ; tout, admirable, accompli. On croit voir de l’émail. Me voilà donc comme Balaam, le prophète confus, qui bénissait quand il croyait maudire, et cela m’arriverait encore plus d’une fois, si je m’arrêtais plus long-temps.

Mais, se retrouve-t-on devant un ouvrage de Raphaël, ou qui du moins lui peut être attribué avec quelque vraisemblance, on est aussitôt complètement remis et satisfait. J’ai trouvé une sainte Agathe, précieuse toile, quoiqu’elle ne soit pas très-bien conservée. L’artiste lui a donné une saine et tranquille pudeur virginale, mais sans froideur ni rudesse. J’ai gravé cette figure dans ma mémoire. Je lui lirai en esprit mon Iphigcnie, et je ne ferai rien dire à mon héroïne que cette sainte ne voulût dire elle-même.

Puisque ma pensée retourne à ce doux fardeau que j’emporte dans mon pèlerinage, je ne puis dissimuler qu’à côté des grands objets de l’art et de la nature, à travers lesquels je dois me frayer un passage, un merveilleux cortège de figures poétiques s’avance encore pour troubler mon repos. Depuis mon départ de Cento, j’ai voulu continuer de travailler à Iphigcnie ; mais qu’est-il arrivé ? Un génie présentait à ma pensée le sujet d’Jphigénie à Delphes, et j’ai dû le tracer. Je vais l’indiquer aus^i brièvement que possible.

Electre, dans la ferme espérance qu’Oreste apportera à Delphes la statue de Diane de Tauride, parait dans le temple d’A-