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pensée très-heureuse et souvent répétée, qui est dans l’esprit de la mythologie catholique.

Le Guerchin est un peintre profond et vigoureux sans rudesse. Au contraire, ses productions ont une grâce morale et tendre, une liberté et une grandeur tranquilles : avec cela, quelque chose de particulier, tellement que nous ne méconnaîtrons pas ses ouvrages, une fois qjje notre œil y sera fait. La légèreté, la pureté et la perfection de son pinceau sont étonnantes. Il emploie pour ses draperies des teintes singulièrement belles, qui tirent sur le brun rouge ; elles s’harmonisent très-bien avec le bleu, qu’il aime aussi à employer. Les sujets des autres tableaux sont plus ou moins malheureux. Le bon Guerchin s’est donné le martyre, et n’en a pas moins dépensé en pure perte son invention et ses pinceaux, son génie et son travail. Mais je suis heureux et je me félicite d’avoir vu aussi ce beau domaine de l’art, quoiqu’un passage si rapide procure peu d’instruction et de jouissances.

Bologne, 18 octobre 1786, de nuit.

Je suis parti de Cento ce matin avant jour, et je suis arrivé ici d’assez bonne heure. Un cicérone alerte et bien instruit, dès qu’il eut appris que je ne voulais pas m’arrêter longtemps, m’a lancé dans toutes les rues, dans tant d’églises et de palais, que je pouvais à peine noter dans mon Volkmann où j’avais été. Et qui sait si je me reconnaîtrai plus tard dans les indications de tous ces objets ! Je vais signaler quelques points lumineux, devant lesquels j’ai senti un véritable soulagement.

Commençons par la sainte Cécile de Raphaël ! Ce que je savais déjà, je le vois maintenant de mes yeux : Raphaël a toujours fait ce que les autres peintres désiraient faire, et je pourrais maintenant me borner à dire que l’ouvrage est de lui. Cinq bienheureux groupés, qui nous sont étrangers, mais dont l’existence est si accomplie, qu’on souhaite à ce tableau une éternelle durée, tout en se résignant à être soi-même anéanti. Toutefois, pour bien connaître Raphaël, pour le bien apprécier, et ne pas l’exalter non plus tout à fait comme un dieu, qui, à la manière de Melchisédec, aurait apparu sans père ni mère, il faut considérer ses prédécesseurs, ses maîtres. Ces hommes se sont appuyés sur le terrain solide de la vérité ; ils ont posé ces larges