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quand la marée est basse, aborder aux points principaux avec des bâtiments de guerre. Ce que le génie et le travail de l’homme ont inventé et accompli jadis, le travail et la prudence doivent le maintenir. On ne peut entrer par le Lido qu’à deux endroits, savoir près du château et, à l’extrémité opposée, près de Chiozza. Le flux entre deux fois par jour, et le reflux retire deux fois les eaux, toujours par le même chemin et dans les mêmes directions. Le flux couvre les parties intérieures, marécageuses, et laisse, sinon à sec, du moins visibles, les plus élevées.

Il en serait tout autrement, si la mer se cherchait de nouveaux chemins, attaquait la langue de terre, et si les marées entraient et sortaient au hasard. Non-seulement les petites villes établies sur le Lido, Palestrine, Saint-Pierre et d’autres devraient périr, mais les canaux de communication seraient comblés, et, l’eau confondant tout, le Lido serait changé en îles, et les îles qui maintenant sont derrière deviendraient des langues de terre. Pour obvier à cela, les Vénitiens doivent défendre le Lido de tout leur pouvoir, afin que l’aveugle élément ne puisse attaquer et bouleverser ce que les hommes ont pris en leur possession, à quoi ils ont donné une direction et une forme pour un but déterminé.

C’est surtout dans les cas extraordinaires, quand la mer s’élève outre mesure, qu’il est bon qu’elle ne puisse entrer que par deux endroits et que le reste demeure fermé, car elle ne peut pénétrer avec une très-grande violence, et, en quelques heures, elle doit se soumettre à la loi du reflux et diminuer sa fureur. Du reste Venise n’a rien à craindre : la lenteur avec laquelle la mer se retire garantit à la ville des milliers d’années, et, par un sage entretien des canaux, elle saura se maintenir en possession.

Si l’on tenait seulement la ville plus propre, ce qui est aussi nécessaire que facile, et réellement de très-grande conséquence dans la suite des siècles! Il est défendu, il est vrai, sous des peines sévères, de rien verser dans les canaux ni d’y jeter les balayures; mais il n’est pas interdit à une averse subite de remuer toutes les immondices poussées dans les coins et de les entraîner dans les canaux, et, ce qui est pire encore, dans les égouts réservés à l’écoulement de l’eau, et de les obstruer telle-