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On peut maintenant se représenter quelle était la vie de Goethe à Weimar, et l’on voit disparaître ces fantômes qui nous le figuraient peut-être comme un esclave des grandeurs et un soucieux courtisan. Merck n’est pas un témoin suspect. Il avait craint pour son ami le séjour de Weiinar : il vint le voir et il fut rassuré. « Goethe vit à la cour, nous dit-il, selon ses propres habitudes. L’intimité est grande ; il est vrai, eatre le serviteur et le maître, mais où.est le mal ? Goethe dirige tout, et chacun est content de lui, parce qu’il rend service à beaucoup de gens et ne nuit à personne. Qui peut résister au désintéressement de cet homme ? »

Dès l’année 1776, il fit appeler Herder à Weimar comme prédicateur de la cour, et il souffrit patiemment son humeur parfois aù»a1 pilaire. Mais c’est surtout aux intérêts du peuple qu’il songeait. Il fit rouvrir les mines d’Ilmenau, dès longtemps abandonnées ; il organisa les secours contre l’incendie. Sous ses inspirations, le gouvernement du prince fut véritablement paternel.

En 1774, le théâtre de Weimar avait été consumé par le feu : vif sujet de regrets pour la société, qui, suivant le goût de l’époque, avait la passion du spectacle. Berlin, Dresde, Francfort, Augsbourg, Nuremberg, Foulda avaient des troupes d’amateurs dont on vantait les mérites. Celle de Weimar les surpassa toutes. Elle eut ses poetes, comme Goethe et Einsiedel, ses compositeurs, ses costumiers, ses peintres décorateurs. Quiconque montrait quelque talent pour le chant, la déclamation ou la danse, était mis en réquisition, comme s’il avait dû trouver dans ces exercices un gagne-pain. Les répétitions presque journalières des ballets et des opéras occupaient, amusaient les hommes et les dames, charmés d’avoir aussi quelque chose à faire. La troupe était choisie : c’étaient la duchesse Amélie, Charles-Auguste, le prince Constantin, avec Bode, Knebel, Einsiedel, Musœus, Seckendorf, Bertuch, Goethe, Amélie, sœur de Kotzeboue, la spirituelle demoiselle Gœchhausen ; enfin, la belle Corona Schrœter, actrice remarquable, que Goethe fit appeler à Weimar et qui fut la perle de ce petit théâtre.

La société dramatique se transportait souvent dans les châteaux du voisinage, à Ettersbourg, à Tiefourt, au Belvédère, même à lena, à Ilmenau, à Dornsbourg. De grand matin, la troupe joyeuse, munie des objets et des provisions nécessaires, traversait les forêts antiques, effrayant au passage le faucon endormi sur la cime des arbres, le chevreuil qui disparaissait soudain derrière la cabane du charbonnier.

La scène était bientôt construite. A Eltersbourg, on voit encore