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vous ne m’avez aucune obligation. Si le podestat savait son métier, et si le greffier n’était pas l’homme du monde le plus inlércssé, vous n’en seriez pas sorti comme cela. Mais le premier était plus embarrassé que vous, et l’autre n’aurait pas reçu même un denier pour votre arrestation, pour ses écritures et pour votre transport à Vérone. C’est la réflexion qu’il a faite du premier coup, et vous étiez déjà délivré avant que nous eussions fini notre conversation. »

Vers le soir, le bon homme me conduisit dans sa vigne, qui était fort bien située sur le penchant du rivage. Son fils, ûgé de quinze ans, nous accompagnait, et le père le faisait grimper sur les arbres pour me cueillir les meilleurs fruits, tandis que Gregorio lui-même choisissait les raisins les plus mûrs. Entre ces deux hommes bienveillants, étrangers au monde, complètement isolé dans la retraite profonde de ce coin de la terre, je sentais pourtant de la manière la plus vive, en réfléchissant aux aventures de ce jour, que l’homme est une créature bien étrange • les choses dont il pourrait jouir à son aise et sans risque en bonne compagnie, il se les rend incommodes et dangereuses, uniquement par la fantaisie de s’approprier d’une façon particulière l’univers et ce qu’il renferme. Vers minuit, mon hôte m’accompagna à la barque, portant la petite corbeille de fruits dont Gregorio m’avait fait présent, et je quittai avec un bon vent le rivage qui avait failli devenir pour njoi un pays de Lestrj gons.

Parlons maintenant de ma navigation. Elle fut heureuse, et je mis pied à terre, enchanté de la magnificence de ce miroir liquide et du rivage lombard. Au couchant, où la montagne cesse d’être escarpée, et où les campagnes s’abaissent plus doucement vers le lac, on voit à la file, sur unejongueur d’une liuue et demie environ, Garignano, Boiaco, Ceciria, Toscolan, Maderno, Verdorn, Salo, la plupart étalés eux-mêmes le long de la rive. Il n’y a point de termes pour exprimer la grélce de cette contrée riche et populeuse. J’abordai à Bartolino à dix htures du matin ; je fis charger mon bagage sur un mulet, et * je montai sur un autre. La route franchit une croupe qui sépare de la vallée du lac celle de l’Adige. Les eaux primitives semblent avoir lutté des deux parts l’une contre l’autre en cou-