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rôle important à l’époque de la réformation ; mais le souvenir en était bien effacé, quand Goethe parut dans la ville où avait prêché Luther.

Les environs de Weimar ont beaucoup gagné depuis ce temps-là : cependant la contrée avait déjà un caractère gracieux et champêtre, fait pour plaire à notre poète. Les mœurs étaient simples et les usages rappelaient le bon vieux temps. A plusieurs égards, Goethe put continuer à la cour la vie bourgeoise à laquelle il était accoutumé. L’accueil plein de cordialité que lui firent le duc et la duchesse, ainsi que leur entourage, le mit d’abord à son aise, et, dans ce cercle bienveillant, il put se’croire en famille.

Il existait cependant des préjugés nobiliaires très-tenaces et trèsprononcés : mais la volonté énergique de Charles-Auguste et le mérite éclatant de Goethe en triomphèrent. On vit d’année en année s’accroître le crédit du bourgeois de Francfort, qui finit par devenir le premier ministre du prince.

En appelant Goethe auprès de sa personne, Charles-Auguste n’avait fait que suivre l’impulsion déjà donnée par sa mère, la duchesse Amélie de Brunswick. Cette princesse remarquable, nièce de Frédéric le Grand, ne partageait point son mépris pour la littérature nationale. Restée veuve dès l’année 1758, après deux ans de mariage, elle attira les gens de lettres à sa cour ; elle confia à Wieland l’éducation de son fils aîné, à Knebel celle du second. Versée dans la connaissance des langues anciennes, elle aimait la conversation des hommes instruits. Elle était bonne musicienne et se connaissait en tableaux. D’un caractère enjoué, elle aimait le mouvement et les plaisirs. Son indignation, que Goethe avait encourue en s’attaquant à son fidèle Wieland, ne tint pas contre le charme séducteur du jeune poète. Elle se lia d’amitié avec sa mère, et entretint avec elle une correspondance sur le ton de la plus intime familiarité.

Wieland lui-même fut bientôt gagné. Non-seulement il pardonna à Goethe ses épigrammes, mais il exprima avec un naïf enthousiasme son admiration pour cette riche et brillante natuce. Il en fut de même des autres hommes marquants qui vivaient à Weimar : Einsiedel Seckendorf, Musœus, Bertuch, Knebel, individualités intéressantes à divers titres, qui entouraient notre poète et prirent une part active au mouvement littéraire et aux ingénieux amusements de la cour.

Parmi toutes ces figures se distingue, par des traits plus sévères et plus imposants, la duchesse Louise de Darmstadt, femme de Charles-Auguste. Cette princesse, qui montra, comme Louise de Prusse, un grand caractère dans l’une et l’autre fortune, et qui souf-