Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée


ACTE DEUXIÈME.

SCÈNE I.

POLYMÊTIS, seul.

Je viens d’une ville pleine d’une vive attente, malheureux serviteur d’un heureux maître. Il m’envoie d’avance avec beaucoup de présents vers son fils, et il suivra mes pas dans quelques heures. Bientôt je verrai le visage d’un joyeux enfant ; mais je n’élèverai ma voix qu’avec feinte pour m’associer à la joie universelle ; je déguiserai sous de joyeux dehors de mystérieuses douleurs. Car ici, ici, je porte, à la suite d’une ancienne trahison, un ulcère vivant, que la vie florissante, que toutes mes forces, nourrissent dans mon sein. Un roi ne devrait prendre personne pour complice de ses audacieuses entreprises. Ce qu’il fait pour acquérir et pour consolider un royaume et une couronne, ce qu’il peut être bienséant de faire pour un royaume et une couronne, est, dans l’instrument, une basse trahison. Et cependant ils aiment la trahison et haïssent le traître. Malheur à lui ! Leur faveur nous plonge dans l’ivresse, et nous prenons aisément l’habitude d’oublier ce que nous devons à notre propre dignité. La faveur semble un si haut prix, que nous estimons beaucoup trop peu en échange notre valeur personnelle. Nous nous sentons associés à une action qui était étrangère à notre cœur ; nous croyons être associés et nous sommes esclaves. De notre dos, le cavalier s’élance sur le cheval, et il vole à son but, avant que nous ayons relevé de terre notre visage inquiet. L’horrible secret se presse sur mes lèvres. Si je le révèle, je suis un double traître ; si je le cache, la plus honteuse trahison est triomphante. Compagne de toute ma vie, dissimulation silencieuse, veax-tu, dans ce moment, ôter de des»