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THOAS.

Tes saintes fonctions et ton droit héréditajre à la table de Jupiter te rapprochent plus des dieux qu’un sauvage enfant de la terre.

IPHIGÉNIE.

Voilà comme j’expie la confiance que tu m’as arrachée !

THOAS.

Je suis un homme, et il vaut mieux que cet entretien finisse. Ainsi donc, que ma parole subsiste : sois prêtresse de Diane, comme elle t’a choisie ; mais que la déesse me pardonne de l’avoir injustement, et avec un secret remords, frustrée jusqu’à ce jour des anciens sacrifices. C’est toujours pour son malheur que l’étranger approche de nos rivages. De tout temps sa mort fut certaine. Toi seule, par une prévenance dans laquelle je me plaisais vivement à voir tantôt l’amour d’une tendre fille, tantôt la secrète inclination d’une fiancée, toi seule, tu m’as enchaîné, comme avec de magiques liens, en sorte que j’ai oublié mon devoir Tu avais endormi mes sens ; je n’entendais plus les murmures de mon peuple. Maintenant ils m’imputent hautement la mort prématurée de mon fils. Pour l’amour de toi, je ne résisterai pas plus longtemps à la foule, qui demande instamment le sacrifice.

IPHIGÉNIE.

Je n’ai jamais demandé pour l’amour de moi cette résistance. Il méconnaît les dieux celui qui les suppose sanguinaires ; il ne fait que leur attribuer ses propres désirs cruels. La déesse ne m’a-t-elle pas elle-même dérobée au prêtre ? Mon service lui était plus agréable que ma mort.

THOAS.

Il ne nous appartient pas d’expliquer et de régler selon nos vues le saint usage, avec une raison inconstante et légère. Fais ton devoir, je ferai le mien. Je tiens captifs deux étrangers, que nous avons trouvés cachés dans les cavernes du rivage, et qui ne viennent point avec de bons desseins pour mon royaume : que par leur mort ta déesse reprenne possession de son premier et légitime sacrifice, qui lui a manqué longtemps.. Je vais les envoyer ici : tu connais ton ministère.