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dans le pays voisin. Elles ne créent que le désordre et l’anarchie, fussent-elles empruntées à la législation des anges. Les autres, tout au rebours, qu’à tel ou tel point de vue, et même d’une manière absolue, le théoricien et le moraliste peuvent blâmer, sont bonnes pour les raisons contraires. Les Spartiates étaient petits de nombre, grands de cœur, ambitieux et violents : de fausses lois n’en auraient tiré que de pâles coquins ; Lycurgue en fit d’héroïques brigands.

Qu’on n’en doute pas. Comme la nation est née avant la loi, la loi tient d’elle et porte son empreinte avant de lui donner la sienne. Les modifications que le temps amène dans les institutions en sont encore une bien grande preuve.

Il a été dit plus haut qu’à mesure que les peuples se civilisaient, s’agrandissaient, devenaient plus puissants, leur sang se mélangeait et leurs instincts subissaient des altérations graduelles. En prenant ainsi des aptitudes différentes, il leur devient impossible de s’accommoder des lois convenables pour leurs devanciers. Aux générations nouvelles, les mœurs le sont également et les tendances de même, et des modifications profondes dans les institutions ne tardent pas à suivre. On voit ces modifications devenir plus fréquentes et plus profondes, à mesure que la race change davantage, tandis qu’elles restaient plus rares et plus graduées, tant que les populations elles-mêmes étaient plus proches parentes des premiers inspirateurs de l’État. En Angleterre, celui de tous les pays de l’Europe où les modifications du sang ont été les plus lentes et jusqu’ici les moins variées, on voit encore les institutions du quatorzième et du quinzième siècle subsister dans les bases de l’édifice social. On y retrouve, presque dans sa vigueur ancienne, l’organisation communale des Plantagenêts et des Tudors, la même façon de mêler la noblesse au gouvernement et de composer cette noblesse, le même respect pour l’antiquité des familles uni au même goût pour les parvenus de mérite[1]. Mais cependant, comme, depuis Jacques Ier, et surtout depuis l’Union de la reine Anne, le sang anglais a tendu de plus en

  1. Macaulay, History of England. In-8o, Paris, 1840, t. I.