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Dans les temps modernes, les Chinois ont été conquis à deux reprises toujours ils ont forcé leurs vainqueurs à s’assimiler à eux ; ils leur ont imposé le respect de leurs mœurs ; ils leur ont beaucoup donné, et n’en ont presque rien reçu. Une fois ils ont expulsé les premiers envahisseurs, et, dans un temps donné, ils en feront autant des seconds.

Les Anglais sont les maîtres de l’Inde, et pourtant leur action morale sur leurs sujets est presque absolument nulle. Ils subissent eux-mêmes, en bien des manières, l’influence de la civilisation locale, et ne peuvent réussir à faire pénétrer leurs idées dans les esprits d’une foule qui redoute ses dominateurs, ne plie que physiquement devant eux, et maintient ses notions debout en face des leurs. C’est que la race hindoue est devenue étrangère à celle qui la maîtrise aujourd’hui, et sa civilisation échappe à la loi du plus fort. Les formes extérieures, les royaumes, les empires ont pu varier, et varieront encore, sans que le fond sur lequel de telles constructions reposent, dont elles ne sont qu’émanées, soit altéré essentiellement avec elles ; et Haïderabad, Lahore, Dehli cessant d’être des capitales, la société hindoue n’en subsistera pas moins. Un moment viendra où, de façon ou d’autre, l’Inde recommencera à vivre publiquement d’après ses lois propres, comme elle le fait tacitement, et, soit par sa race actuelle, soit par des métis, reprendra la plénitude de sa personnalité politique.

Le hasard des conquêtes ne saurait trancher la vie d’un peuple. Tout au plus, il en suspend pour un temps les manifestations, et, en quelque sorte, les honneurs extérieurs. Tant que le sang de ce peuple et ses institutions conservent encore, dans une mesure suffisante, l’empreinte de la race initiatrice, ce peuple existe ; et, soit qu’il ait affaire, comme les Chinois, à des conquérants qui ne sont que matériellement plus énergiques que lui ; soit, comme les Hindous, qu’il soutienne une lutte de patience, bien autrement ardue, contre une nation de tous points supérieure, telle qu’on voit les Anglais, son avenir certain doit le consoler ; il sera libre un jour. Au contraire, ce peuple, comme les Grecs, comme les Romains du Bas-Empire, a-t-il absolument épuisé son principe ethnique et les conséquences