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le joug de cette idée ne peuvent cependant s’en débarrasser de telle façon qu’il ne leur en reste au moins quelques traces : ces derniers forment ce qui est civilisable dans notre espèce.

Ainsi le genre humain se trouve soumis à deux lois, l’une de répulsion, l’autre d’attraction, agissant, à différents degrés, sur ses races diverses ; deux lois, dont la première n’est respectée, que par celles de ces races qui ne doivent jamais s’élever au-dessus des perfectionnements tout à fait élémentaires de la vie de tribu, tandis que la seconde, au contraire, règne avec d’autant plus d’empire, que les familles ethniques sur lesquelles elle s’exerce sont plus susceptibles de développements.

Mais c’est ici qu’il faut surtout être précis. Je viens de prendre un peuple à l’état de famille, d’embryon ; je l’ai doué de l’aptitude nécessaire pour passer à l’état de nation ; il y est ; l’histoire ne m’apprend pas quels étaient les éléments constitutifs du groupe originaire ; tout ce que je sais, c’est que ces éléments le rendaient apte aux transformations que je lui ai fait subir ; maintenant agrandi, deux possibilités sont seules présentes pour lui ; entre deux destinées, l’une ou l’autre est inévitable : ou il sera conquérant, ou il sera conquis.

Je le suppose conquérant ; je lui fais la plus belle part : il domine, gouverne et civilise tout à la fois ; il n’ira pas, dans les provinces qu’il parcourt, semer inutilement le meurtre et l’incendie ; les monuments, les institutions, les mœurs, lui seront également sacrés ; ce qu’il changera, ce qu’il trouvera bon et utile de modifier, sera remplacé par des créations supérieures ; la faiblesse deviendra force dans ses mains ; il se comportera de telle façon que, suivant le mot de l’Écriture, il sera grand devant les hommes.

Je ne sais si le lecteur y a déjà pensé, mais, dans le tableau que je trace, et qui n’est autre, à certains égards, que celui présenté par les Hindous, les Égyptiens, les Perses, les Macédoniens, deux faits me paraissent bien saillants. Le premier, c’est qu’une nation, sans force et sans puissance, se trouve tout à coup, par le fait d’être tombée aux mains de maîtres vigoureux, appelée au partage d’une nouvelle et meilleure destinée,