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d’autres parentés locales infinies. Malgré cette diversité de sources, leur attachement à la séparation par tribu forme un des traits les plus frappants de leur caractère national et de leur histoire politique ; si bien qu’on a cru pouvoir attribuer, en grande partie, leur expulsion de l’Espagne, non seulement au fractionnement de leur puissance dans ce pays, mais encore et surtout au morcellement plus intime que la distinction continue, et par suite la rivalité des familles, perpétuait au sein des petites monarchies de Valence, de Tolède, de Cordoue et de Grenade[1]. Pour la plupart des peuples on peut faire la même remarque, en ajoutant que là où la séparation par tribu s’est effacée, celle par nation la remplace, agissant avec une énergie presque semblable, et telle que la communauté de religion ne suffit pas à la paralyser. Elle existe entre les Arabes et les Turks comme entre les Persans et les Juifs, les Parsis et les Hindous, les Nestoriens Syriens et les Kurdes ; on la retrouve également dans la Turquie d’Europe ; on suit sa trace en Hongrie, entre les Madjars, les Saxons, les Valaques, les Croates, et je puis affirmer, pour l’avoir vu, que dans certaines parties de la France, ce pays où les races sont mélangées plus que partout ailleurs peut-être, il est des populations qui, de village à village, répugnent encore aujourd’hui à contracter alliance.

Je me crois en droit de conclure, d’après ces exemples qui embrassent tous les pays et tous les siècles, même notre pays et notre temps, que l’humanité éprouve, dans toutes ses branches, une répulsion secrète pour les croisements ; que, chez plusieurs de ces rameaux, cette répulsion est invincible ; que, chez d’autres, elle n’est domptée que dans une certaine mesure ; que ceux, enfin, qui secouent le plus complètement

  1. Cet attachement des nations arabes à l'isolement ethnique se manifeste quelquefois d'une manière bien bizarre. Un voyageur (M. Fulgence Fresnel, si je ne me trompe) raconte qu'à Djiddah, où les mœurs sont très relâchées, la même Bédouine qui ne refuse rien à la plus légère séduction d'argent, se trouverait déshonorée, si elle épousait en légitime mariage soit le Turk, soit l'Européen auquel elle se prête en le méprisant.