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Voilà les faits. À leur suite se présente cette question : à quels peuples nombreux et civilisés ont appartenu ces fortifications, ces villes, ces tombeaux, ces instruments d’or et d’argent ?

Pour obtenir une réponse, il faut ici procéder d’abord par exclusion. On ne saurait penser à attribuer toutes ces merveilles aux grands empires jaunes de la haute Asie. Eux aussi ont laissé des marques de leur existence. On les connaît, ces marques, et ce ne sont pas celles-là. Elles ont une tout autre apparence, une autre disposition. Il n’y a pas moyen de les confondre avec celles dont il est question ici. De même pour les restes de la grandeur passagère de certaines peuplades, comme les Kirghizes. Les couvents bouddhiques d’Ablaï-kitka ont leur caractère, qui ne saurait être confondu avec celui des constructions tchoudes (1)[1].

Les temps modernes ainsi mis hors de cause, cherchons dans les temps anciens à quelle nation nous pouvons nous adresser. M. Ritter insinue que les habitants de ce mystérieux et vaste empire septentrional pourraient bien avoir été les Arimaspes d’Hérodote.

Je me permettrai de résister à l’opinion du grand érudit allemand, qui ne fait d’ailleurs qu’offrir cette solution sans paraître lui-même convaincu de sa valeur. Pour s’y tenir, il faudrait, ce me semble, forcer le texte du père de l’Histoire. Que dit-il ? Il raconte qu’au-dessus des Hindous demeurent les Arimaspes, et il décrit les Arimaspes ; mais au-dessus des Arimaspes résident les Gryphons, plus loin encore les Hyperboréens. Tous ces peuples sont les mêmes nations à demi fantastiques dont les poètes de l’Inde peuplent l’Uttara-Kourou (2)[2].




la plus haute antiquité indique aussi la civilisation la plus complète. (Ibid., t. II, p. 333.)

(1) M. Ritter fait ici une observation pleine de sens et de profondeur. Comment, dit-il, se pourrait-il faire que des populations jaunes, que des Kalmouks, ces hommes absolument dénués d’imagination, eussent donné cours au mythe des Gryphons, et, devenus les Arimaspes, se fussent entourés de tant de peuples si singulièrement fabuleux ? En effet, le génie finnois n’atteint pas à de tels résultats. (Ritter, ibid., p. 336.)

(2) Lassen, Zeitschrift für d. K. d. Morgenl., t. II, p. 62 et 65. Les


  1. (1) M. Ritter fait ici une observation pleine de sens et de profondeur. Comment, dit-il, se pourrait-il faire que des populations jaunes, que des Kalmouks, ces hommes absolument dénués d’imagination, eussent donné cours au mythe des Gryphons, et, devenus les Arimaspes, se fussent entourés de tant de peuples si singulièrement fabuleux ? En effet, le génie finnois n’atteint pas à de tels résultats. (Ritter, ibid., p. 336.)
  2. (2) Lassen, Zeitschrift für d. K. d. Morgenl., t. II, p. 62 et 65. Les Grecs avaient puisé leurs connaissances à demi romanesques des peuples de l’Asie centrale à la source bactrienne à peu près identique avec celle du Mahabharata. L’Uttara-Kourou, le pays primitif des Kauravas, les Attacori de Pline, était aussi l’Hataka, la terre de l’or. Près de là demeuraient les Risikas qui, ayant des chevaux merveilleux, ressemblent fort aux Arimaspes. (Hérodote, IV, 13 et 17.)