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les Mongols de Djinghiz-khan, les Tatares de Timour, toutes multitudes coalisées et nullement homogènes.

Si, dans ces agglomérations, les tribus dominantes possédaient leur initiative, en vertu d’une réunion fortuite d’éléments blancs jusque-là trop disséminés pour agir, et qui, en quelque sorte, galvanisaient leur entourage, la richesse de ces éléments n’était pourtant pas suffisante pour douer les masses qu’ils entraînaient d’une bien grande aptitude civilisatrice, ni même pour maintenir, dans l’élite de ces masses, la puissance de mouvement qui les avait élevées à la vie de conquêtes. Qu’on se figure donc ces triomphateurs jaunes animés, je dirai presque enivrés par le concours accidentel de quelques immixtions blanches en dissolution dans leur sein, exerçant dès lors une supériorité relative sur leurs congénères plus absolument jaunes. Ces triomphateurs ne sont pas cependant assez rehaussés pour fonder une civilisation propre. Ils ne feront pas comme les peuples germaniques, qui, débutant par adopter la civilisation romaine, l’ont transformée bientôt en une autre culture tout originale. Ils n’ont pas la valeur d’aller jusque-là. Seulement, ils possèdent un instinct assez fin qui leur fait comprendre les mérites de l’ordre social, et, capables ainsi du premier pas, ils se tournent respectueusement vers l’organisation qui régit des peuples jaunes comme eux-mêmes.

Cependant, s’il y a parenté, affinité entre les nations demi-barbares de l’Asie centrale et les Chinois, il n’y a pas identité. Chez ces derniers, le mélange blanc et surtout malais se fait sentir avec beaucoup plus de force, et, par conséquent, l’aptitude civilisatrice est bien autrement active. Au sein des autres, il y a un goût, une partialité pour la civilisation chinoise, toutefois moins pour ce qu’elle a conservé d’arian que pour ce qui est corrélatif, en elle, au génie ethnique des Mongols. Ceux-ci sont donc toujours des barbares aux yeux de leurs vaincus, et plus ils font d’efforts afin de retenir les leçons des Chinois, plus ils se font mépriser. Se sentant ainsi isolés au milieu de plusieurs centaines de millions de sujets dédaigneux, ils n’osent pas se séparer, ils se concentrent sur des points de ralliement, ils ne renoncent pas, ils n’osent pas renoncer à l’usage des armes,