Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apprend donc. Et quoi ? On apprend ce qui est utile, et là est l’infranchissable point d’arrêt. Ce qui est utile, c’est ce qui a toujours été su et pratiqué, ce qui ne peut donner matière à discussion. Il faut apprendre, mais ce que les générations précédentes ont su avant vous, et comme elles l’ont su : toute prétention à créer du nouveau, dans ce sens, conduirait l’étudiant à se voir repousser de l’examen, et, s’il s’obstinait, à un procès de trahison où personne ne lui ferait grâce. Aussi n’est-il personne qui se risque à de tels hasards, et, dans ce champ de l’éducation et de la science chinoises, si constamment, si exemplairement labouré, il n’y a pas la moindre chance qu’une idée inconnue lève jamais la tête. Elle serait arrachée sur l’heure avec indignation (1)[1].

Dans la littérature proprement dite, le bout-rimé et toutes les distractions ingénieusement puériles qui y ressemblent, sont tenues en grand honneur. Des élégies assez douces, des descriptions de la nature plus minutieuses que pittoresques, bien que non sans grâce, voilà le meilleur. Le réellement bon, c’est le roman. Ces peuples sans imagination ont beaucoup d’esprit d’observation et de finesse, et telle production issue de ces deux qualités rappelle chez eux, et peut-être en les dépassant, les œuvres anglaises destinées à peindre la vie du grand monde. Là s’arrête le vol de la muse chinoise. Le drame est mal conçu et assez plat. L’ode à la façon de Pindare n’a jamais passé par l’esprit de cette nation rassise. Quand le poète chinois se bat les flancs pour échauffer sa verve, il se jette à plein corps dans les nuages, fait intervenir les dragons de toute couleur, s’essouffle, et ne saisit rien que le ridicule.

La philosophie, et surtout la philosophie morale, objet d’une grande prédilection, ne consiste qu’en maximes usuelles, dont l’observance parfaite serait assurément fort méritoire, mais



(1) L’amour du médiocre est de principe. Voici la maxime : « Le ministre de Chine Kao-yao fit connaître les punitions différentes et dit : « Le peuple est uni dans le juste milieu. Ainsi, c’est par les châtiments que l’on instruit les hommes à garder le juste milieu. » Il n’est pas d’étudiant qui ne tienne pour dûment prévenu et n’évite d’avoir plus d’esprit qu’il ne convient. » (Tcheou-li, t. I, p. 197.)

  1. (1) L’amour du médiocre est de principe. Voici la maxime : « Le ministre de Chine Kao-yao fit connaître les punitions différentes et dit : « Le peuple est uni dans le juste milieu. Ainsi, c’est par les châtiments que l’on instruit les hommes à garder le juste milieu. » Il n’est pas d’étudiant qui ne tienne pour dûment prévenu et n’évite d’avoir plus d’esprit qu’il ne convient. » (Tcheou-li, t. I, p. 197.)