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d’arriver à ces fins, il fallait par-dessus tout une tranquillité solide et profonde, et des précautions minutieuses contre tout ce qui était capable d’émouvoir les populations ou de troubler l’ordre. Si la race noire avait exercé quelque action influente dans l’empire, il n’est pas douteux que nul de ces préceptes n’eût tenu longtemps. Les peuples jaunes, au contraire, gagnant chaque jour du terrain, et comprenant l’utilité de cet ordre de choses, ne trouvaient rien en eux qui n’appréciât vivement le bonheur matériel dans lequel on voulait les ensevelir. Les théories philosophiques et les opinions religieuses, ces brandons ordinaires de l’incendie des États, restèrent à jamais sans force devant l’inertie nationale, qui, bien repue de riz et avec son habit de coton sur le dos, ne se soucia pas d’affronter le bâton des hommes de police pour la plus grande gloire d’une abstraction (1)[1].

Le gouvernement chinois laissa prêcher tout, affirmer tout, enseigner les absurdités les plus monstrueuses, à la condition que rien, dans les nouveautés les plus hardies, ne tendrait à un résultat social quelconque. Aussitôt que cette barrière menaçait d’être franchie, l’administration agissait sans pitié et réprimait les innovations avec une sévérité inouïe, confirmée par les dispositions constantes de l’opinion publique (2)[2].

Dans l’Inde, le brahmanisme avait installé, lui aussi, une administration bien supérieure à ce que les États chamites,



(1) W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. II, p. 214 : « L’idée du bonheur est représentée en Chine, à ce que l’on m’assure, par un plat de riz bouilli et une bouche ouverte ; celle du gouvernement, par une canne de bambou et par un second caractère qui signifie agiter l’air. »

(2) La vigilance de la police chinoise est incomparable. On sait toutes les inquiétudes que les Russes et les Anglais inspirent au cabinet impérial dans le sud-ouest. Le voyageur Burnes donne un exemple des précautions qui sont prises : le signalement et même le portrait de tout étranger suspect est envoyé aux villes du haut Turkestan avec l’ordre de tuer l’original, s’il est saisi au delà de la frontière. Moorcroft avait été si bien représenté sur les murs de Yarkend, et sa physionomie anglaise si parfaitement saisie, que c’était à faire reculer le plus audacieux de ses compatriotes qui aurait pu se voir exposé aux suites d’une confrontation. (Burnes, Travels, t. II, p. 233.)


  1. (1) W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. II, p. 214 : « L’idée du bonheur est représentée en Chine, à ce que l’on m’assure, par un plat de riz bouilli et une bouche ouverte ; celle du gouvernement, par une canne de bambou et par un second caractère qui signifie agiter l’air. »
  2. (2) La vigilance de la police chinoise est incomparable. On sait toutes les inquiétudes que les Russes et les Anglais inspirent au cabinet impérial dans le sud-ouest. Le voyageur Burnes donne un exemple des précautions qui sont prises : le signalement et même le portrait de tout étranger suspect est envoyé aux villes du haut Turkestan avec l’ordre de tuer l’original, s’il est saisi au delà de la frontière. Moorcroft avait été si bien représenté sur les murs de Yarkend, et sa physionomie anglaise si parfaitement saisie, que c’était à faire reculer le plus audacieux de ses compatriotes qui aurait pu se voir exposé aux suites d’une confrontation. (Burnes, Travels, t. II, p. 233.)