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créatures inférieures à lui, et ici on se demande s’il n’avait pas affaire à ces fils de singes, ces hommes jaunes dont la singulière vanité se complaisait à réclamer une si brutale origine.

Le doute se change bientôt en certitude. Les historiens indigènes affirment qu’à l’arrivée des Chinois, les Miao (1)[1] occupaient déjà la contrée, et que ces peuples étaient étrangers aux plus simples notions de sociabilité. Ils vivaient dans des trous, dans des grottes, buvaient le sang des animaux qu’ils attrapaient à la course, ou bien, à défaut de chair crue, mangeaient de l’herbe et des fruits sauvages. Quant à la forme de leur gouvernement, elle ne démentait pas tant de barbarie. Les Miao se battaient à coups de branches d’arbres, et le plus vigoureux restait le maître jusqu’à ce qu’il en vînt un plus fort que lui. On ne rendait aucun, honneur aux morts. On se contentait de les empaqueter dans des branches et des herbages, on les liait au milieu de ces espèces de fagots, et on les cachait sous des buissons (2)[2].

Je remarquerai, en passant, que voilà bien, dans une réalité historique, l’homme primitif de la philosophie de Rousseau et de ses partisans ; l’homme qui, n’ayant que des égaux, ne peut aussi fonder qu’une autorité transitoire dont une massue est la légitimité, genre de droit assez souvent frappé de défaveur devant des esprits un peu libres et fiers. Malheureusement pour l’idée révolutionnaire, si cette théorie rencontre une preuve chez les Miao et chez les noirs, elle n’a pas encore réussi à la découvrir chez les blancs, où nous ne pouvons apercevoir une aurore privée des clartés de l’intelligence.

Pan-Kou, au milieu de ces fils de singes (3)[3], fut donc regardé, et j’ose le dire, avec pleine raison, comme le premier homme. La légende chinoise ne nous fait pas assister à sa naissance. Elle ne nous le montre pas créature, mais bien créateur, car elle déclare expressément qu’il commença à régler



(1) Gaubil, ouvr. cité.

(2) Gaubil, Traité de la chronologie chinoise, p. 2, 80, 109 ; Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 758 ; Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 454.

(3) Les Miao ne manquaient pas de se donner cette généalogie. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. II, p. 273.)

  1. (1) Gaubil, ouvr.cité.
  2. (2) Gaubil, Traité de la chronologie chinoise, p. 2, 80, 109 ; Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 758 ; Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 454.
  3. (3) Les Miao ne manquaient pas de se donner cette généalogie. (Ritter, Erdkunde, Asien, t. II, p. 273.)