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de la question, et je vais démontrer que le fanatisme, le luxe, les mauvaises mœurs et l’irréligion ne sont pas des instruments de mort certaine pour les peuples.

Tous ces faits se sont rencontrés, quelquefois isolément, quelquefois simultanément et avec une très grande intensité, chez des nations qui ne s’en portaient que mieux, ou qui, tout au moins, n’en allaient pas plus mal.

C’était pour la plus grande gloire du fanatisme que l’empire américain des Aztèques semblait surtout exister. Je n’imagine rien de plus fanatique qu’un état social qui, comme celui-là, reposait sur une base religieuse, incessamment arrosé du sang des boucheries humaines[1]. On a nié récemment[2], et peut-être avec quelque apparence de raison, que les anciens peuples européens aient jamais pratiqué le meurtre religieux sur des victimes considérées comme innocentes, les prisonniers de guerre ou les naufragés n’étant pas compris dans cette catégorie ; mais, pour les Mexicains, toutes victimes leur étaient bonnes. Avec cette férocité qu’un physiologiste moderne reconnaît être le caractère général des races du nouveau monde[3], ils massacraient impitoyablement sur leurs autels des concitoyens, et sans hésitation comme sans choix, ce qui ne les empêchait pas d’être un peuple puissant, industrieux, riche, et qui certainement aurait encore longtemps duré, régné, égorgé, si le génie de Fernand Cortez et le courage de ses compagnons n’étaient venus mettre fin à la monstrueuse existence d’un tel empire. Le fanatisme ne fait donc pas mourir les États.

Le luxe et la mollesse ne sont pas des coupables plus avérés ; leurs effets se font sentir dans les hautes classes, et je doute que chez les Grecs, chez les Perses, chez les Romains, la mollesse et le luxe, pour avoir d’autres formes, aient eu plus d’intensité qu’on ne leur en voit aujourd’hui en France, en

  1. Prescott, History of the conquest of Mejico. In-8°, Paris, 1844.
  2. C. F. Weber, M. A. Lucani Pharsalia. In-8°. Leipzig, 1828, t. I, p. 122-123, note.
  3. Prichard, Histoire naturelle de l’homme (trad. de M. Roulin. In-8°. Paris, 1843). – Le Dr Martius est encore plus explicite. Voir Martius und Spix, Reise in Brasilien. In-4°. Munich, t. I, p. 379-380.