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naissant volontiers qu’elles peuvent se faire voir au moment de la mort d’un peuple, je nie qu’elles aient assez de force, qu’elles soient douées d’une énergie assez sûrement destructive pour déterminer à elles seules la catastrophe irrémédiable.


CHAPITRE II.

Le fanatisme, le luxe, les mauvaises mœurs et l’irréligion n’amènent pas nécessairement la chute des sociétés.

Il est nécessaire de bien expliquer d’abord ce que j’entends par une société. Ce n’est pas le cercle plus ou moins étendu dans lequel s’exerce, sous une forme ou sous une autre, une souveraineté distincte. La république d’Athènes n’est pas une société, non plus que le royaume de Magadha, l’empire du Pont ou le califat d’Égypte au temps des Fatimites. Ce sont des fragments de société qui se transforment sans doute, se rapprochent ou se subdivisent sous la pression des lois naturelles que je cherche, mais dont l’existence ou la mort ne constitue pas l’existence ou la mort d’une société. Leur formation n’est qu’un phénomène le plus souvent transitoire, et qui n’a qu’une action bornée ou même indirecte sur la civilisation au milieu de laquelle elle éclôt. Ce que j’entends par société, c’est une réunion, plus ou moins parfaite au point de vue politique, mais complète au point de vue social, d’hommes vivant sous la direction d’idées semblables et avec des instincts identiques. Ainsi l’Égypte, l’Assyrie, la Grèce, l’Inde, la Chine, ont été ou sont encore le théâtre où des sociétés distinctes ont déroulé leurs destinées, abstraction faite des perturbations survenues dans leurs constitutions politiques. Comme je ne parlerai des fractions que lorsque mon raisonnement pourra s’appliquer à l’ensemble, j’emploierai le mot de nation ou celui de peuple dans le sens général ou restreint, sans que nulle amphibologie puisse en résulter. Cette définition faite, je reviens à l’examen